par Franck GACOGNE

Isaïe 11, 1-10 et Matthieu 3, 1-12

Avez-vous entendu le prophète Isaïe ? Il annonce le surgissement d’un nouveau David sur qui repose l’Esprit du Seigneur. Et sa venue permet la conciliation entre les hommes, l’effacement des inégalités, une vraie justice en faveur de ceux qui sont écrasés, et la cohabitation dans la paix de ceux que tout opposait. Est-ce une douce et naïve utopie ? Oui, si ce ne sont que des mots ; oui, si c’est un joli conte que nous racontons aux enfants pour qu’ils fassent de beaux rêves. Mais n’y-a-t-il pas aujourd’hui dans notre humanité des hommes et des femmes qui croient en cette Parole, et qui retroussent leurs manches pour essayer de la mettre en œuvre ? Pour beaucoup aujourd’hui, c’est la figure de Nelson Mandela qui nous vient à l’esprit. La Parole de Dieu n’est pas une utopie. Elle s’est faite agissante dans le Christ, et parmi tant de témoins dans l’histoire hier et aujourd’hui. Saurons-nous, à notre niveau, être l’un d’eux ?

        « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche ». Voilà l’appel de Jean-Baptiste dans l’évangile de Matthieu, voilà l’exhortation qu’il adresse à tous ceux qui viennent le voir dans le désert. Il y a un autre moment dans l’année où nous entendons pour nous-mêmes cette invitation là. C’est le jour de l’entrée en carême : un mercredi nous recevons les cendres et cette même parole nous est adressée : « convertissez-vous, et croyez en l’Evangile ». Quand Jean-Baptiste adresse cette parole aux juifs qui viennent le voir, ce n’est pas pour qu’ils deviennent chrétiens bien sûr, ce n’est pas pour qu’ils changent de religion. Quand nous recevons les cendres nous sommes déjà chrétiens et nous le restons après tout autant, si ce n’est même plus encore. S’il arrive de parler de « conversion » pour ceux qui changent de religion ; se convertir, c’est d’abord un mouvement intérieur profond dans ce que nous sommes déjà et dans ce que nous croyons. C’est la mise en œuvre d’un changement qui doit pouvoir se manifester concrètement dans notre quotidien. Certains vont tâcher d’être plus attentif à leurs proches, d’autres vont exprimer des gestes de solidarité, d’autres encore vont essayer de maintenir dans leur journée un temps de prière, de lecture de la Parole, comme en quelque sorte un temps, un espace de respiration pour Dieu… Tant de choses peuvent être inventées.

        Mais pourquoi faire tout cela, pourquoi se convertir, quelles raisons y a t il à se convertir ? Et bien Jean-Baptiste nous apporte une raison toute simple : il nous dit « le Royaume des cieux est tout proche, alors préparez le chemin du Seigneur » Dans cette période de l’Avent, beaucoup d’entre vous diront que ce qui est tout proche, c’est la fête de Noël, c’est la venue de l’enfant Jésus que nous attendons parfois avec impatience, avec joie. Nous savons tous comment l’arrivée d’un premier né dans une famille est préparée avec une certaine effervescence. Longtemps à l’avance : on établit des listes de prénoms mille fois modifiées, on bichonne le berceau qui va l’accueillir, on s’équipe des tout dernier modèles de poussette de biberon ou que sais-je encore. Mais pas seulement, on prépare aussi et surtout notre cœur de parent, notre sourire, tous nos projets pour lui permettre de s’épanouir dans un foyer d’amour qui le respectera.

        Alors, se convertir pour nous préparer à Noël, c’est exactement cela : c’est préparer notre cœur à une joie profonde, celle d’un Dieu qui vient se fondre dans notre humanité : un Dieu proche, un Dieu qui devient compréhensible palpable, accessible et même dépendant. Se convertir en vue de Noël, c’est aussi pouvoir exprimer cette joie de l’attente dans nos actes les plus ordinaires.

        Jésus va désirer recevoir ce baptême que Jean Baptiste propose, car si la conversion c’est de nous tourner vers Dieu Jésus lui aussi se sent concerné : toute sa vie, il va se tourner, il va s’adresser à son Père pour mieux nous le révéler. Jean-Baptiste va désigner Jésus en disant à ceux qui l’interroge : « ce n’est pas moi que vous attendez, c’est lui ». Mais Jésus va rapidement se détacher de Jean-Baptiste, il va s’en éloigner car ce qu’ils annoncent, l’un et l’autre du Dieu qui vient, n’est pas similaire. Je m’explique : dans le passage que nous venons de lire, Jean-Baptiste présente Dieu un peu comme un « bûcheron » qui va nettoyer le terrain, qui va abattre tout arbre qu’il ne jugera pas bon, et devant cette menace il faudrait nous efforcer de plaire à Dieu par nos actions pour en réchapper. Et bien, c’est une fausse image de Dieu, c’est pour cela que Jésus va la refuser et qu’il va s’éloigner de Jean-Baptiste et de son discours. Nous le savons toute l’attitude de Jésus, ses rencontres qui balisent tout l’Evangile manifestent le contraire d’un Dieu dure et exigeant : nous le voyons accueillir, relever, guérir, pardonner, donner sa vie.

        Que ce temps de l’Avent nous prépare à être témoin de Celui qui veut manifester son amour à tous les hommes. Amen.