par Franck GACOGNE

Ecclésiaste 1, 2 ; 2, 21-23 et Luc 12, 13-21

Qui a dit que l’évangile était dépassé ? Je crois que l’actualité ne cesse de nous en donner de parfaites illustrations, au temps de Jésus comme aujourd’hui. Et n’allons surtout pas croire que cela ne nous concerne pas aussi ! La première question posée par cet homme à Jésus concerne un héritage. Voilà que cet homme semble inquiet, il craint de se faire flouer par son frère et de ne pouvoir obtenir sa part, et il voudrait que Jésus en soit l’arbitre. Alors que cet homme se préoccupe des biens immédiats qu’il pourrait posséder ou qu’il serait en droit d’exiger, Jésus, lui, le renvoie à sa vie dans la durée, dans sa globalité, en l’invitant à repérer ce qui la comble : « la vie d’un homme, fût-il dans l’abondance, ne dépend pas de ses richesses ». En effet, posons-nous la question : qu’est-ce qui assure la vie d’un homme ? Jésus nous dit littéralement, que cette vie ne « procède pas de ses biens ». Cela revient à se poser la question sur ce qu’est la richesse de ma vie, sur qui je suis ? Par exemple, est-ce que je suis ce que je fais ? Cette question est importante d’autant que nous avons pris l’habitude de notre société occidentale de nous présenter par ce que nous faisons, par notre métier. Mais alors, quand nous n’avons plus de travail, existons-nous encore ? L’évangile de ce jour nous pose plutôt une autre question : est-ce que je suis ce que j’ai ? Bien sûr, nous ne nous présentons jamais en énumérant nos biens (Si en France beaucoup cherche à les dissimuler, dans d’autres pays au contraire, on les expose devant sa maison pour bien montrer à tous le niveau de vie que l’on a. Aucune de ces deux attitudes ne me semble bien ajustée). Est-ce que je suis ce que j’ai ? Non, pourtant déjà, inconsciemment peut-être, quand nous disons où nous habitons, souvent, cela nous situe sur une échelle sociale, car nous sommes locataires ou propriétaire dans un quartier bien déterminé, et pour caricaturer, habiter Les Minguettes à Vénissieux ou St Cyr aux Mont d’Or, ce n’est pas tout à a fait la même chose. Et ceux qui sont sans adresse alors, existent-il encore ?

Il y a des pays où l’on se présente en ne disant ni ce que l’on fait, ni ce que l’on a, mais en disant de qui on est le fils ou la fille, c’est très intéressant, car on dit par là que sa principale richesse, se sont ceux qui nous ont donné la vie ou qui nous ont aidé à grandir. Puisqu’il est question d’héritage, quelque soit notre âge, que nos parents soient ou non décédés, nous pouvons tous nous poser cette question : de quoi est-ce que j’ai hérité, qu’est-ce que j’ai reçu de plus précieux ? Il arrive que des grands parents s’inquiètent de ce qu’ils pourraient transmettre à leurs descendants, et ils pensent en termes de biens, de meubles, de terrains. Mais l’héritage le plus précieux, le plus inestimable que je reçois de mes parents, il ne m’est pas offert au dernier jour de leur vie, mais au premier jour de la mienne : c’est la vie qu’ils me donnent en me mettant au monde ! J’ai donc déjà tout le nécessaire pour vivre bien !

Dans la parabole que donne Jésus pour appuyer son propos, il est ensuite question d’un homme qui amasse pour conserver. Je ne résiste pas au plaisir de vous transmettre cette histoire racontée par une sœur de la sainte Enfance il y a quelques année : Un homme riche et très près de son argent avait fait promettre à l’un de ses proches de l’enterrer en mettant tout son argent à ses côtés dans son cercueil. Le jour des funérailles, ce proche expliquait cette promesse à l’un de ses amis, et celui-ci de lui demander : « J’espère que tu n’as pas fait la bêtise de tenir ta promesse », et l’autre de répondre : « Ah si, bien sûr j’ai tenu ma promesse, je lui ai mis un gros chèque ! ». L’histoire ne dit pas si le chèque a été touché. La partie la plus sensible de l’homme, et de tout temps, c’est son porte-monnaie. Toute sa vie, et jusque dans la tombe, il ne semble jamais assez plein. Saint Jérôme avait comparé l’avarice à un fauve affamé en disant : « elle a toujours faim, elle est toujours pauvre, et quand, de ses dents féroces, elle aura déchiré tous les royaumes du monde, elle se dira encore « je suis à jeun ! ». De nombreux textes d’évangile attirent notre attention sur ce comportement. Pourtant, je crois que Jésus n’est pas contre l’argent, en revanche, il met toujours en garde ses auditeurs sur l’usage qu’ils peuvent en faire, et sur sa destination. Autrement dit, en vue de quoi est-ce que j’essaye d’avoir plus ? On le voit bien dans la parabole que Jésus propose ; l’homme fait les choses à l’envers : il commence par accumuler, et ce n’est qu’ensuite qu’il se demande qu’en faire. Il décide d’en faire des conserves pensant ainsi pourvoir mieux « profiter de la vie ». Il a seulement oublié que la vie ne s’achetait pas, et que son argent était bien incapable de la prolonger. Vanité des vanités, tout est vanité. Littéralement, buées : la première lecture presque désabusé nous avertit donc du caractère éphémère et furtif voir illusoire de ce que nous pouvons construire de nous-mêmes et amasser pour nous-mêmes : tout est buée ! En revanche, l’évangile nous invite à être riche, mais riche en vue de Dieu, c’est-à-dire pour le servir et l’aimer par les autres. Amen.