par Jean-Pierre GILNET

Matthieu 5, 1-12a

« Le chemin du bonheur »

Frères et Sœurs bien-aimés,

Nous voici déjà au 4e dimanche du temps ordinaire de l’année liturgique A. Les textes liturgiques nous invitent à chercher le Seigneur et l’ayant trouvé de nous mettre à l’écoute de son enseignement. Dimanche dernier, avec l’appel des quatre premiers disciples ( Pierre, André, Jacques et Jean) , c’était Jésus qui allait a leur rencontre pour qu’ils soient avec lui et pour les envoyer en mission. Ce dimanche, c’est le mouvement inverse ; une foule de gens nombreuse cherche Jésus pour se faire guérir. Car auprès du Seigneur est la grâce, la joie, le bonheur et la pleine délivrance nous dit le psaume 130. C’est aussi le cri du prophète Sophonie qui a prophétisé dans une période troublée par les turbulences politiques ; les invasions successives des assyriens, des égyptiens et des babyloniens (Sp 3, 3-12). Elle nous invite à rechercher le Seigneur tout en priorisant deux choses : la justice et l’humilité, deux vertus morales qui peuvent nous conduire sur le chemin du bonheur. Pour elle, il fallait à tout prix ranimer l’espérance du peuple vers le bonheur. Car, l’espérance doit rester au cœur de la foi d’Israël. On se demande comment chercher la justice dans un monde sans justice ? Comment chercher l’humilité dans une société un calqué sur l’arrogance, la vengeance et la violence ?

Dans l’Évangile du jour, Saint Mathieu nous présente une foule de gens qui cherche Jésus et qui écoute son enseignement. C’est l’épisode des béatitudes. En effet, les béatitudes sont les paroles même de Jésus. Dans le langage hébraïque on parle des « iptissima verba », ce sont toutes les paroles énigmatiques que Jésus a prononcées dans l’exercice de sa mission terrestre (La paix soit avec vous ; Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ; J’ai soif ; Entre tes mains je remets mon esprit… ». Mathieu présente les béatitudes immédiatement après la grande journée missionnaire de Jésus dans la région de Galilée et les zones avoisinantes. Sur son passage, Jésus guérissait de nombreuses personnes de diverses maladies : malades physiques ; psychique et morales (Mt 4, 23-25). Vous comprenez avec moi qu’au cours de cette journée programmatique, Jésus a fait des « heureux » en se mettant dans la peau d’un médecin-guérisseur. Cette Bonne Nouvelle s’est répandue dans les régions et les gens venaient tous à Lui pour se faire guérir. Probablement, ils se disaient : « nous ne pouvons pas rater cette chance, c’est la grâce qui passe ».

Durant sa vie publique, les actions de Jésus révèlent plusieurs connotations en termes de compréhension et de qualification. Pour certains, c’était un grand enseignant-éducateur ; pour d’autres c’est un maitre-législateur et d’autres encore voient en Jésus un médecin-traitant. Pour bien comprendre les béatitudes, regardons le lieu où Jésus a prononcé ce discours, sur une montagne et qu’il tenait une posture d’enseignant-éducateur. Dans la Bible, montagne signifie le « Haut lieu de la rencontre de Dieu avec les hommes ». On se souvient la rencontre de Dieu avec Moise sur la montagne du Sinai ; Mont Sion, Mont Horeb, ce sont tous des lieux où Dieu se manifestait aux hommes. La montagne nous rappelle aussi plusieurs évènements dans la vie de Jésus. Après son baptême au jourdain, Jésus se rendait sur une montagne pour prier (désert) ; au moment de la transfiguration (Lc 9,28-36). Le discours de Jésus sur la montagne nous renvoie à Moise lors de la proclamation du décalogue au Mont Sinai (Ex 20, 2-17 ; Dt 5, 6-21). La figure de Moise symbolise l’ancienne loi et celle de Jésus symbolise la loi nouvelle. L’Ancien Testament et le Nouveau Testament se complètent en matière d’accomplissement.

En fait, selon le Catéchisme de l’Eglise Catholique, les béatitudes dénotent une triple explication dans la vie chrétienne : Le chemin du bonheur ; la charte de la vie chrétienne ; la vision du royaume de Dieu. D’abord, les béatitudes comme chemin du bonheur. Dans sa catéchèse habituelle, le Pape François disait : « les béatitudes sont la voie que Dieu indique comme réponse au désir de bonheur inscrit dans l’homme »[1]. Pour ainsi dire, les béatitudes sont la route à prendre pour accéder au bonheur éternel. Une chose extrêmement importante à souligner ; toutes les béatitudes de Mathieu commencent avec une bénédiction « Heureux ». Or, bénir c’est vouloir du bien de l’autre. Jésus cite une catégorie de personnes marginalisés qui ont besoin d’être pris en compte et connaitre des jours heureux. Il s’agit des pauvres, des affligés, des affamés, assoiffés et des persécutés. Ensuite, les béatitudes comme la charte de la vie chrétienne et la vision du royaume. Dans son livre intitulée « La Charte de la vie chrétienne »[2], le Père Urbain de l’ordre des frères prêcheurs considère les béatitudes comme des principes ; de véritables lois à observer pour pouvoir accéder au royaume de Dieu. Voila pourquoi Jésus termine son enseignement avec cette grande espérance attestant que l’observance et la mise en pratique de ses lois est un gage de récompense dans les cieux.

En dernière analyse, il est curieux de voir que deux des trois évangiles synoptiques présentent les béatitudes nettement diffèrent l’une de l’autre. D’un côté, Saint Mathieu présente que des bénédictions (8) pour son public et ne cherche que le bonheur (Mt, 5,1-12). De l’autre côté, Saint Luc présente à la fois des bénédictions (4) et des malédictions (4). Il bénit et il maudit ( Lc 6, 20-23). Ces deux évangélistes écrivent pour des publics différents en raison de leur métier ou de leur profession. On risquerait dire qu’en Mathieu, Jésus s’adressait à des hommes qui vivent dans une société parfaite qui ne méritent que des bénédictions et encouragements. Et, en Luc, le public était diversifié avec des bénis et des maudits ou les hommes ont leur bon et mauvais côté. Peu importe les différences selon les évangélistes, Jésus veut nous montrer un chemin à prendre, il nous trace une voie qui nous conduira au bonheur. Le vrai bonheur c’est d’être avec Dieu, dans sa gloire.

[1] Pape François, catéchèse habituelle, Rome, 6 aout 2014,

[2] Urbain Plotwke, o.p, Charte de la vie chrétienne, les béatitudes, Ed. Salvator, France 1961