Par Amos BAMAL

Jean 15, 9-17,

« Qu’ils soient un ! »

Au lendemain de la fête de l’Ascension, la liturgie nous donne de méditer une des préoccupations essentielles de Jésus pour l’Eglise et pour l’humanité : « Qu’ils soient un ! ». Jésus prie pour ses disciples au moment où il se prépare à quitter ce monde. Une page d’évangile tellement réconfortante en constatant comment le Seigneur se préoccupe de l’avenir de ses amis en les confiant à son Père. En effet, Jésus avait vu ses disciples se disputer en sa présence, il avait senti ces tensions qui érodent l’unité et font germer la haine et la division. Ils étaient d’ailleurs de tous les bords : pêcheurs , zélotes, collecteurs d’impôts, disciples de Jean …Ils étaient de conditions, de milieux, d’âges et de cultures très différents. Rien ne prédisposait d’emblée ce groupe à s’entendre, à être ensemble, à embrasser la même mission. Pourtant Jésus les avait mis ensemble, il leur recommandait une unité en profondeur, et leur donnait Dieu pour modèle : « Qu’ils soient un, comme nous-mêmes ».

Au prime abord Jésus prie pour que ses disciples restent fidèles au visage de Dieu qu’il leur a manifesté en vivant avec eux et au milieu d’eux : un Dieu dont le nom est l’Amour. Et cet amour, Jésus l’a incarné à travers ses gestes et ses paroles, toujours orientés dans le sens de la gloire de Dieu et du bien-être de l’homme ; un bien-être qu’il a offert effectivement à tous en acceptant de donner sa vie pour que tous soient libérés du mal, du péché et de la mort. C’est à travers cette manière de vivre que Jésus a écrit le nom de Dieu en lettre d’or dans le monde. Et avant de quitter ce monde, il prie justement pour que « l’Amour » nom propre de Dieu que les disciples ont reçu en partage ne soit jamais effacé de leurs cœurs. En restant fidèles à l’Amour, les disciples ; par le fait même, seront connectés à Dieu et s’épanouiront dans l’unité les uns avec les autres. Telle est la première intention de prière de Jésus pour ses disciples, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui.

Dans sa deuxième intention de prière en faveur de ses disciples, Jésus demande à son Père de les « garder du Mauvais » dans ce monde où il les laisse et qui est hostile à Dieu. Une hostilité manifestée dans le rejet de sa Parole poussée jusqu’à son élimination physique. Pour rester fidèle au Dieu d’amour qu’il a été au milieu d’eux, les disciples devront sans cesse se laisser guider par sa Parole pour qu’ils ne cèdent pas au mensonge, à la fausseté et à l’hypocrisie du monde. Jésus implore donc son Père de préserver ses disciples du mal, c’est-à-dire de Satan. Jésus va plus loin dans sa prière et demande tout simplement que le Père « les consacre par la vérité », c’est-à-dire qu’ils soient en tout temps et dans toutes les dimensions de leur existence la manifestation d’un Dieu amour, vainqueur du péché et de la mort. Voilà la vérité que le monde refuse et que les disciples doivent proclamer à temps et à contretemps.

La prière de Jésus se termine ainsi en annonçant la mission qu’il va maintenant confier à ses disciples : « De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux, je me consacre moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, consacrés par la vérité ». Une conclusion très consolante et très réconfortante pour les disciples puisqu’elle révèle en fait ce qui fera la force des nouveaux missionnaires : la consécration de Jésus par sa mort et sa résurrection, devenue désormais le seul message, la seule Bonne Nouvelle qui va mobiliser tous les disciples de Jésus, en tout temps et en tout lieu.

Cependant, l’histoire des hommes reste jalonnée de nombreuses fractures de l’unité ; des hommes luttent pour être seuls, ils divisent pour isoler et stimulent les rancœurs. Et les chrétiens n’y échappent pas, eux qui ont donné le spectacle d’une des divisions les plus malencontreuses de l’histoire. Et si l’Eglise doit rendre témoignage de Jésus et l’annoncer au monde, elle ne peut le faire efficacement qu’en étant parfaitement unie. Même si elle a connu et continu de connaître des divisions en son sein, comme en témoignent les diverses confessions chrétiennes, elle ne devrait pas perdre ce vœu d’unité de son fondateur.

L’unité pour laquelle le Christ a prié est certes rêvée partout mais tellement retardée et martyrisée par un grand nombre. Elle reste inaccomplie et à construire dans nos familles et nos associations, dans nos cercles d’amitié, dans notre Eglise et dans nos différents pays…Si chacun pouvait être facteur de l’unité et non pas de division, peut-être approcherons-nous enfin l’unité rêvée. Au cours de cette célébration eucharistique, demandons au Seigneur de faire de nous les artisans de cette unité.

Amen.