Par Jean-Claude SERVANTON

Luc 9, 11b-17

« Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Cet ordre de Jésus aux apôtres peut surprendre. 5 pains et 2 poissons, qu’est-ce que ce petit peu pour nourrir une foule? C’est un peu l’objection que l’on fait à tous ceux et celles, particuliers et organisations, qui luttent contre la faim, la misère dans le monde. Héberger une famille alors qu’elles sont nombreuses à être refoulées dans la rue ou aux frontières. Une goutte d’eau dans un océan d’injustices. Et nous chrétiens, que pouvons-nous répondre?

« Donnez-leur vous-mêmes à manger » ordonne Jésus. Les douze lui demandent de renvoyer les foules. « Qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres. » Une réponse de bon sens. Jésus manquerait-il de bon sens? En somme les douze tirent le rideau: Jésus a parlé du règne de Dieu il a accompli quelques guérisons. C’est fini, à demain bonsoir! Demain sera un nouveau jour. Mais alors Jésus n’est-il qu’un guérisseur, qu’un enseignant? Sa parole peut-elle faire plus que de beaux discours?

« Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Les apôtres apportent leur petit peu, 5 pains et 2 poissons. Et leur petit peu passe par les mains de Jésus. Comme au soir du jeudi saint: le petit peu de pain sur la table passe par ses mains. Le miracle ce n’est pas tant que le petit peu se multiplie, c’est que le petit peu des douze soit son corps. Le petit peu devient le don de quelqu’un, ici de Jésus. En quelque sorte, par le petit peu c’est lui qui se multiplie. Jésus n’est pas qu’un enseignant, qu’un guérisseur, il se donne. Et le miracle s’opère. Les foules deviennent un peuple, le peuple de Dieu. La terre par les douze a apporté son fruit, les hommes, leur travail et par les mains de Jésus cet apport, cette offrande devient un don de Dieu. Les foules entrent dans une alliance.

« Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Et nous aujourd’hui, quand nous donnons de la nourriture, un toit, nous ne faisons pas que nourrir et loger. Nous inventons la solidarité, sans doute n’est-il pas nécessaire d’être chrétiens. Et pourtant ne voyons-nous pas que nous-mêmes nous changeons: nous sommes aussi nourris de ce que nous donnons. Et les personnes nourries, logées se lèvent. Elles sont de la même pâte humaine que nous. Nous avons multiplié des liens. Or la foi n’est-ce pas croire que Dieu veut entrer en amitié avec chaque homme, avec tous les hommes. Aujourd’hui nous avons encore 12 paniers à distribuer. 12 paniers plein de nos « petits peu ». 12 paniers que nous recevons de Jésus, pour que nous les donnions aux foules. La solidarité pour le croyant n’est pas qu’une affaire d’hommes. Elle l’est avec nos « petits peu », elle est aussi la solidarité que Dieu a voulu vivre par Jésus avec tous les hommes.