Par Christian DELORME

Jean 20, 19-23

L’Esprit Saint, c’est la Respiration de Dieu !

Ce n’est pas tous les dimanches que, dans nos églises de Bron, nous pouvons entendre l’Evangile, ou encore les Actes des Apôtres, lus en créole haïtien, en lingala du Congo, en malgache, ou encore en pidgin, l’anglais populaire du Nigeria, et en tamoul du Sud de l’Inde ! Mais ce jour de fête de la Pentecôte, celui de la célébration de la Parole et de la Tendresse de Dieu offerts à tous les peuples sans exception, est le jour idoine! D’autant plus que ces langues ne sont pas des langues qui seraient « étrangères » à notre communauté : elles sont les langues maternelles de nombre d’entre nous, celles qui sont toujours parlées dans les cercles familiaux et amicaux. Mille fois déjà j’ai eu  l’occasion de le souligner : nous avons un privilège énorme, dans notre paroisse de Bron : celui d’être une communauté représentative et unificatrice de peuples et de cultures issus des cinq continents ! Celui de pouvoir vivre chaque jour, et chaque dimanche en particulier, la catholicité de l’Eglise, l’universalité et l’universalime de l’Eglise. Dieu a voulu une humanité plurielle. Dieu a voulu la pluralité des peuples et des cultures. Dieu aime la diversité : diversité de l’univers créé, diversité de la nature à la fécondité toujours inventive, diversité de l’humanité, même si l’être humain est fondamentalement le même, quelles que soient les différences entre nous. Nous pouvons le croire : Dieu est en Lui-même diversité, puisque tout ce qui existe de beau et de fécond a sa source en Lui ( ce qui exlue, bien entendu, la perversion du Mal qui abîme le monde ) !

En ce dimanche de Pentecôte chrétienne ( qui fait suite à la célébration de la Pentetôte juive, laquelle fait mémoire du don des Dix Paroles, des Dix Commandements, à Moïse, au sommet du Mont Sinaï ), nous avons eu la chance d’entendre, une fois encore, deux récits de la communication de l’Esprit Saint aux disciples. Deux récits situés chronologiquement à deux moments très distincts de la naissance de l’Eglise, mais l’un et l’autre à Jérusalem, dans la « chambre haute » où avait vraisemblablement eu lieu le dernier repas de Jésus avant son arrestation et sa Passion : récit de l’apparition aux disciples ( les onze ? D’autres avec eux ? Marie, mère de Jésus, et d’autres femmes ? ), au lendemain de l’envelissement au tombeau du Christ Jésus ; récit de « l’embrasement » des mêmes disciples une cinquantaine de jours plus tard, vivant en présence de la foule une « explosion » de langues diverses accessibles à tous lors de la fête juive de la Pentecôte.

La première communication de l’Esprit Saint aux disciples nous offre une très touchante dimension d’intimité. Tout à coup, le Ressucité est là, au milieu des siens, surgi de l’au-delà des murs et du plafond. Présence vivante, présence rassurante, présence pacifiante. « Shalom aleichem ! », « Paix à vous ! », leur dit-il en hébreu. Les disciples, les yeux et le cœur encore tout pleins du spectacle horrible de la Passion et de la Crucifixion de leur maître, se sont claquemurés ; ils sont dans la crainte de subir un sort identique. Et Jésus les apaise. Il vient pacifier leurs cœurs et les délivrer de leurs peurs. Voilà le premier don de l’Esprit de Dieu, l’Esprit de Jésus, l’Esprit d’Amour qui unit totalement le Fils Eternel et le Père Eternel – un seul Dieu –: la Paix ! Une paix qui dissout nos agitations intérieures. Une paix qui élimine nos angoisses et nos peurs. Une paix qui se saisit du cœur ( il ne bat plus la chamade ! ), calme l’esprit ( l’être intérieur retrouve sa verticalité et son centre ), et comble l’âme ( elle se sent unit à tout ce qui existe ).

Ayant dit cela à deux reprises, Jésus souflle doucement et longuement sur ses disciples en leur disant : « Recevez le Souffle Pur ! » ( une traduction que j’aime bien de l’écrivain Jean Grosjean ). Il donne un souffle qui d’abord guérit, qui vient cautériser les blessures ouvertes. Quand nous étions petit enfant, nous avons tous connu cela – en tout cas je l’espère ! – : une maman ou un papa qui a soufflé sur un de nos genoux ou un de nos coudes après que nous soyions tombés et que nous nous soyions blessés. Et là, miracle de l’amour, miracle de la tendresse : même si les chairs restaient à vif, la douleur, elle, s’évanouissait ! C’est le deuxième don de l’Esprit Saint, le « Souffle Pur » : la Guérison !

Une guérison qui ne saurait, cependant, être réservée à quelques uns, et gardée pour soi quand on en a bénéficié. A ses disciples présents dans la « chambre haute » ( les onze ? D’aures encore ? Des femmes et des hommes ? ), Jésus, en effet, donne cet ordre de mission : « Les fautes seront remises à qui vous les remettrez, retenues à qui vous les obtiendrez ».

Il s’agit là d’un envoi en mission, et pas de n’importe quelle mission : celle d’aller sauver le monde ! Car celui qui a quitté le sein du Père pour « sauver le monde et non pas juger le monde » ( Jean 3, 17 ), à présent qu’il retourne dans les profondeurs de Dieu, envoie ses disciples poursuivre son œuvre salvatrice ! Deux mille ans de christianisme et d’histoire de l’Eglise ont leurs avantages… et leurs inconvénients. Car nous lisons souvent les textes à la lumière d’une histoire longue et compliquée, où des traditions, légitimes certes, ont apporté d’autres significations au message des origines. Ainsi lisons-nous trop souvent cette parole de Jésus uniquement à travers le prisme du sacrement de la pénitence et de la Réconciliation ! Or ce dont parle Jésus ici, ce n’est pas d’un sacrement qui n’existait pas encore : il parle de l’urgence et de la nécessité que les disciples aillent faire œuvre de salut auprès de tous les hommes. Ainsi ceux qui seront rejoints pourront être guéris immédiatement de leurs fautes, alors que ceux qui ne seront pas rejoints souffriront de ne pouvoir bénéficier, dès à présent, de cette délivrance. Voilà le troisième don de l’Esprit Saint : l’élan missionnaire en vue du salut de tous !

Avec le récit des Actes des Apôtres, la manifestation de l’Esprit Saint sort bruyamment et spectaculairement de la « chambre haute » et du cœur des disciples pour toucher, dans une explosion de langues, dans un « feu d’artifice » linguistique,  les foules présentes, venues des quatre coins de l’Empire Romain, et même d’au-delà, pour célébrer la Pentecôte juive, la fête de l’Alliance scellée au Sinaï. Après le souffle fragile sorti des poumons et de la bouche de Jésus, voici une déflagration céleste et un « effet de souffle » se manifestant dans les rues de Jérusalem comme un violent coup de vent ! Mais alors que les vents violents dispersent et détruisent ( notre frère Jean-Pierre et son peuple haïtien en savent quelque chose, eux qui sont si souvent victimes de tornades ! ), ce vent-là sorti de Dieu a eu pour effet de rassembler. Et le « Souffle Pur » s’est fait paroles multiples, concert de langues parlées dans tout l’ensemble méditerranéen et au-delà ! Le Souffle s’est fait, aussi, flammes de feu, embrasement des cœurs, communion entre des personnes d’origines, de cultures et de langues diverses.

Une antique tradition iconographique, qui a sa légitimité car elle provient du Livre de la Genèse ( le récit du surgissement de la Création où « l’Esprit planait au dessus des eaux », et celui de l’annonce par une colombe de la fin du Déluge ), mais aussi du récit matthéen du baptême de Jésus par Jean le Baptiste ( où on a pu voir l’Esprit descendre sur le Messie de Dieu comme une colombe ), fait que l’Esprit Saint est massivement représenté dans nos églises et dans nos livres pieux sous la forme d’une colombe. Tout aussi légitime qu’elle soit, cette représentation symbolique est, en même temps, terriblement réductrice et même malfaisante. L’Esprit Saint n’est pas un oiseau ! L’Esprit Saint, c’est la Respiration de Dieu ! C’est le Souffle de vie qui fait exister l’univers, exister tous les êtres vivants ; qui nous fait exister jusqu’au jour où, justement dit, nous « rendrons notre souffle à Dieu » ! L’Esprit Saint, c’est le « Souffle Pur » qui peut, lui seul, nous inspirer des comportements et des mots réellement bienfaisants pour tous. C’est le feu intérieur dynamisant et cautérisant qui demande à trouver place dans nos cœurs et dans nos corps, et qui peut nous conduire à oeuvrer réellement pour une transformation positive du monde.

Alors, oui, viens Esprit Saint apaisant et pacificateur !

Viens, Esprit guérisseur et consolateur !

Viens, Esprit vivifiant qui envoie en mission !

Viens, Esprit rassembleur et réconciliateur !

Viens, Respiration de Dieu !