par Eric de NATTES

Matthieu 22, 34-40

Le plus grand des commandements

 Pharisiens et docteurs de la loi d’un côté, Jésus de l’autre : deux conceptions de la religion qui tentent un dialogue qui n’aboutit pas et se transformera en condamnation.

D’un côté 613 préceptes dans la Torah : dont 365 défenses afin de ne jamais transgresser, aucun jour de l’année, un interdit de Dieu, et 248 commandements positifs pour chacun des composants du corps humain afin qu’il participe à l’action de Dieu. Magnifique ! Mais cela veut dire une pratique religieuse qui prend tous les aspects de ta vie – tous ! – : de l’intime (la sexualité), à l’extérieur (les vêtements, pour le culte mais aussi dans l’espace publique), en passant par ta vie biologique (ce que tu peux manger et ce qui est interdit, quand tu dois jeûner, quand tu peux vivre l’abondance), tes relations sociales (qui tu peux fréquenter, qui est pur et qui est impur), la régulation de ton temps (offices et fêtes, pèlerinages et culte familial, rassemblements de la communauté, les déplacements et gestes possibles certains jours etc…). Cette pratique est infiniment contraignante d’un côté, mais très contenante et rassurante d’un autre. Elle cerne tous les contours du possible, de ce que tu peux et dois faire. La communauté et ses chefs te regardent et te rappellent à l’ordre s’il le faut. Tu es contraint, mais aussi contenu, soutenu, rassuré par le groupe. Cette pratique religieuse trace des contours nets, clairs, pour savoir qui pratique bien ou mal. Qui fait partie de la communauté et qui n’en est pas. L’identité est claire. Ta pratique te distingue aux yeux de tous. Dans cette pratique religieuse, tout commandement peut évidemment se justifier par une finalité divine qui veut ton bonheur. Le Sabbat en est le meilleur exemple : honorer Dieu avant toute chose, pour ton propre repos et ton bonheur. Dans cette pratique qui prend en charge la plus grande part de ton existence, peut se poser la question bien sûr la question de la hiérarchie des commandements et de leur ordre dans des cas concrets où l’on ne sait lequel honorer en premier. Cela s’appelle une casuistique – on observe les cas – et  cela peut occuper une part importante des discussions, mais à l’intérieur du groupe, bien sûr, où ces commandements font autorité. C’est un système un peu en vase clos. Dépaysant, voire exotique pour qui n’en fait pas partie. Mais inaccessible ou presque. Si c’est universel, c’est parce que chacun est appelé à entrer dans cette pratique, à l’accueillir, à en reconnaître le bienfait.

De l’autre, deux commandements qui n’en font qu’un seul ! Et dont le seul verbe, au futur, est  : « aimer ». Donc aucun interdit clairement formulé ! La frontière qui semblait pourtant tellement évidente – celle qui séparait deux réalités à distance infinie – et qui devient si proche qu’elle en paraît s’effacer : Dieu et l’homme : semblables ! comme en rappel de la Genèse où le Premier, Dieu, fit le second, l’humain, à son image et ressemblance ! Ici, les frontières s’estompent : qui pratique et qui ne pratique pas ? Qui est croyant et qui ne l’est pas ?

Le Docteur de l’amour répond donc au docteur de la loi. Tu veux savoir comment observer la loi ? commence donc par aimer ! Alors tu sauras interpréter la loi, tu sauras la hiérarchiser et tu passeras moins de temps en discussion et plus en action. Dieu lui-même obéit à son commandement si l’on peut dire : lui qui aime l’homme en ne cessant de le relever. Qui ne veut pas la mort du pécheur. Et celui qui, parmi nous, relie les deux commandements en un seul, c’est Jésus : en son Père où prend source sa parole et son action, il aime comme le frère universelle cette humanité. Dieu et l’homme, semblables en Lui. Là est l’horizon infini qui nous déborde et nous appelle à vivre.

Quant aux ignorants de leur propre religion, qui tuent au nom de Dieu, on aimerait rappeler ce hadith qui est la règle d’or qui contient tout le Coran et la Sunna : « Nul n’est croyant tant qu’il n’aime pas pour son frère ce qu’il aime pour lui-même ».