par Eric de NATTES

Jean 9, 1-41

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Guérison de l’Aveugle-né.

 Jésus voit ! L’aveugle bien sûr, mais aussi l’aveuglement : celui des disciples que leur idéologie religieuse empêche de voir (lui ou ses parents qui ont péché !), ainsi que les pharisiens (« Tu es tout entier dans le péché »). Un tel « mal » : la cécité depuis la naissance, ne peut relever que d’une punition, liée à une faute. Il n’en est rien pour Jésus ! Ce mal va permettre au contraire de révéler l’action de Dieu. Le mal n’est pas une fin qui appelle une punition. Ce mal est un commencement qui appelle une re-création. Telle est l’action de Dieu ! De la boue, de la salive, puis l’eau de la « piscine de l’Envoyé » : pour St Irénée c’est un acte de création. Il nécessite le consentement de l’homme : l’aveugle va à la piscine. Oui, nous ne sommes pas un « produit fini » qui attend tristement sa fin. Nous sommes une création en cours qui espère sa naissance et sa renaissance. Le mal, ce que nous considérons comme tel parce qu’il nous fait souffrir, appelle à le combattre et à naître à nouveau. Il n’est pas la fin. Chacun méditera sur la situation actuelle. Et sur son attitude.

Jésus guérit ! Le mot miracle n’est jamais employé par Jean. Car ce mot risque de fixer l’attention sur l’incompréhensible (un aveugle de naissance, ça ne guérit pas normalement !). Le miracle laisse dans la stupeur ou l’admiration naïve, mais ne permet pas de voir plus loin que le bout de son émotion. Voilà pourquoi Jean ne parle que de « signes ». Les pharisiens demeurent sur le miracle : Qui t’a guéri ? Comment a-t-il fait ? Es-tu bien aveugle depuis la naissance ? Une vraie enquête médicale pour faire jaillir la supercherie. Jamais ils ne posent la question : « Pourquoi t-a-t-il guéri ? » Là, on passerait du miracle au signe. « Pour que vous voyiez, vous et les disciples, conscients de votre propre aveuglement, et que vous demandiez de voir vraiment et pour que moi re-né à la vue je devienne son disciple et reconnaisse l’action de Dieu dans ma vie ! »

Car les pharisiens (en réalité tous ceux qui sont enfermés dans une idéologie religieuse sclérosante) ont une question à régler : cet homme Jésus est-il de Dieu ou non ? Lui qui a utilisé de la boue (un travail), le jour du sabbat ! Et les voilà qui passent à côté du signe : le sabbat, c’est l’action de Dieu pour l’homme (« le sabbat est fait pour l’homme et non l’inverse »). Jésus fait plus qu’honorer le sabbat en faisant ce qu’il vient de faire : il est le maître du sabbat puisque par ses mains et sa parole, c’est l’oeuvre du Père qui s’accomplit pour cet homme : il voit !

Jésus fait le don de la foi ! À la fin de l’enquête et des témoignages (on aura, au passage, « admiré » la prudence des parents face aux pharisiens : s’ils l’ont mis au monde, les voilà qui ne peuvent se réjouir de sa nouvelle naissance… il y a là à méditer sur l’incompréhension qui peut se faire dans l’entourage familial à l’égard d’un proche qui naît à une vie nouvelle, et ici celle de la foi). Lorsque l’aveugle-guéri se trouve devant Jésus, il ne voit de ses yeux de chair que l’homme Jésus. Il sait ce qu’il lui doit, certes. Mais lorsque Jésus l’interroge sur sa foi au « fils de l’homme » (personnage messianique dans le livre de Daniel, qui doit rassembler l’humanité sous l’autorité de Dieu), il ne peut que répondre « qui est-il » ? Car là, c’est bien le consentement de la foi qu’il lui faudra, comme pour nous ! Sinon, il restera devant un guérisseur, un thaumaturge, mais pas devant le Seigneur !

Épilogue : Le jugement s’accomplit ! Contrairement à notre imaginaire immédiat, le jugement ne consiste pas à punir les méchants. L’aveugle-guéri ne condamne pas les pharisiens, pas plus que Jésus si on lit avec attention. Le jugement, c’est que Jésus, « Lumière de la Vie venue en notre monde » révèle aux aveugles (nous tous potentiellement) la vision de l’action de Dieu et fait ainsi le don de le foi. Ceux qui croient voir s’enfoncent en réalité dans la cécité et deviennent les aveugles de la vie divine. Ce sont eux qui demeurent dans le péché, eux qui ont jugé l’aveugle-né, guéri, comme étant tout entier dans le péché.