Par Amos BAMAL

Luc 10, 1-12, 17-20

En route pour la mission.

Marc, Luc et Matthieu ont retenu dans leur évangile la mission des Douze pendant le ministère de Jésus. Luc est le seul qui rapporte la mission des 72. Il a recueilli cette tradition pour montrer que la mission n’est pas réservée aux Douze seuls, mais à tous, même aux païens. La mission confiée est limitée : préparer la venue de Jésus lui-même et annoncer l’arrivée du Royaume. Ainsi, sans attendre que les disciples soient confirmés dans la foi par l’Esprit Saint, Jésus les envoie en mission. Mais ils doivent accomplir cette mission beaucoup plus par leur mode de vie que par leur prédication. Nous devons transmettre le message dans nos familles, dans nos lieux de travail, dans le monde de l’économie, de la politique, de la culture.

En effet, il n’est pas facile d’agir chrétiennement dans un monde matérialiste ou beaucoup de gens vivent comme si Dieu n’existait pas. Nous comprenons alors les paroles du Christ : « la moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux ». Les chrétiens des premières générations ont dû faire face à ce même problème, eux qui formaient une toute petite communauté au milieu d’une mer de paganisme, de superstition et de fatalisme. Lorsque le Christ envoie ses disciples, il ne dit pratiquement rien du message à transmettre, mais il leur rappelle comment ils doivent se comporter. Il ne leur donne aucune consigne d’ordre « doctrinal ». Il ne parle pas du contenu de la foi mais des comportements concrets des messagers. Ces consignes sont aussi valables pour nous aujourd’hui qu’elles l’étaient au temps du Christ.

Devenir prédicateur de la Bonne Nouvelle n’est pas une simple fonction à remplir, mais une vie à engager totalement. Le message est un message de paix et de bonheur, de joie et de confiance en l’abondance des dons de Dieu (cf., 1ère lecture). Il est invité à accepter un style de vie fait de dépouillement, pour avoir le cœur plus libre, ce qui exige de sa part désintéressement, disponibilité, pauvreté matérielle et spirituelle. Il est invité à rencontrer d’autres pays, d’autres personnes, à se présenter comme porteur de paix, ouvert à l’accueil et à l’hospitalité. Il lui faut accepter de travailler avec d’autres, là où il n’aurait peut-être pas voulu être, ce qui suppose des renoncements. Et puisque l’objet de la mission est l’annonce de l’arrivée prochaine du Christ, il ne faut pas être messager sans rester lié à celui qui envoie.

En effet, nous ne sommes pas envoyés pour convertir, pour faire du prosélytisme, mais pour montrer aux gens que nous les aimons, que nous leur voulons du bien, que nous désirons leur apporter la paix…Et Dieu fera le reste. Nous allons vers les autres avec une mentalité d’agneau et non de loup. Nous devons savoir aimer, sans être agressif. Ce que nous apportons c’est la paix et non une doctrine ou des dogmes. Notre pauvre monde a bien besoin de paix, non pas la paix des armes, mais la paix de Dieu.

Une fois bien insérés dans la vie des gens, le Christ nous invite à guérir les malades, être proches de ceux et celles qui souffrent, accompagner ceux et celles qui vivent dans la solitude. Il s’agit d’une Bonne Nouvelle en action dont le but est de faire reculer le mal, soulager, guérir…Le christianisme n’est pas une religion de vœux pieux, mais une religion d’entraide, de fraternité, de partage.

Et si les signes concrets couronnent ministère du missionnaire, il doit s’en réjouir sans être euphorique, le vrai bonheur étant de savoir que son nom est inscrit dans le Royaume des cieux. C’est bien d’être fiers de ce que nous faisons, de nos réalisations, de ce que nous avons changé les choses, mais c’est mieux d’être fiers de ce que Dieu a pu faire dans notre propre cœur, de ce qu’il a pu changer dans notre vie. Le Seigneur ne nous demande pas seulement de réaliser des choses belles et grandes, il nous demande surtout d’être nous-mêmes des personnes belles et grandes. Le disciple, pasteur, c’est d’abord la puissance de Dieu qui nous rend petits, qui écrase notre orgueil, et non la puissance de Dieu qui écrase les autres, et non la force de Dieu en nous qui soumet toute chose. La joie de Jésus à notre retour de mission ne sera totale que s’il constate qu’en même temps que nous faisions du bien autour de nous, que les démons nous étaient soumis, sa parole nous transformait en homme ou en femme de bien. Pour Jésus la mission n’est pas achevée, tant que l’homme souffre, est malade, possédé, affamé, etc.

Que le Seigneur, qui nous envoie en mission dans notre milieu de vie, nous aide à faire attention à l’homme entier. Apporter une parole qui console, éclaire, réchauffe, et guérit les cœurs souvent blessés, et faire l’effort que nous pouvons pour soulager la misère autour de nous.

Amen.