Par Amos BAMAL

Luc 11, 1-13

« Seigneur, apprends-moi à prier ! »

Ce dimanche nous offre une excellente occasion pour réfléchir sur la prière chrétienne. Dans la première lecture tirée du livre de la Genèse, Abraham, implore le Seigneur pour Sodome et Gomorrhe, démontrant une confiance totale en Dieu. Il négocie même avec Dieu,50,45,40,30,20 justes seront-ils suffisants pour retenir le châtiment qui se prépare ? Abraham ne lâche pas. Et dans l’évangile, après avoir enseigné la prière du Notre Père (la prière par excellence et le modèle de toutes les prières), Jésus met en scène un voisin qui importune son ami jusqu’à ce que celui-ci lui réponde. Qu’est-ce que ces faits nous enseignent au sujet de la prière dans notre vie ? Deux choses complémentaires, je pense.

La première qui est très claire et qui nous surprend peut-être un peu : prier c’est crier vers Dieu, l’importuner, c’est même parfois l’engueuler, se disputer avec lui comme on le voit dans certains psaumes. Souvent nous cherchons à faire de belles prières. Nous ne réussissons pas. Nous arrêtons et nous ne prions plus. Alors que prier c’est dire ce qu’on a sur le cœur à Dieu comme à un ami proche, à qui on se confie. On lui parle de tout. C’est comme dans une famille. On ne se gêne pas avec lui. C’est ce que nous dit Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui : « Demandez, cherchez, frappez…Dieu est votre Père, si vous les pères de la terre donnez de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel vous écoutera et vous aidera par son Esprit Saint ».

La deuxième chose qui complète la première c’est que prier c’est écouter aussi. Vous connaissez probablement cet épisode de la vie du curé d’Ars où il se décide un jour à demander à un monsieur qu’il voyait souvent l’après-midi à l’église qu’est-ce qu’il y faisait. Et ce paysan de répondre en regardant le tabernacle où Jésus était présent « Je l’écoute, et il m’écoute ». Oui parler à Dieu, mais aussi se taire pour écouter.

Cela nous semble difficile aujourd’hui. On a l’impression de perdre son temps. On arrive à la maison, vite la télé. On regarde à tout moment sa page Facebook, Whatsapp, ses textos (SMS) ou ses e-mails. On n’a pas le temps de méditer, de se replier sur soi un peu, de s’arrêter, d’écouter. Un dialogue ça se fait à deux et Dieu me parle dans le silence de mon cœur. Pour cela il faut se taire. La prière personnelle disait Sainte Thérèse d’Avila c’est une « conversation amoureuse dans un seul à seul avec Dieu dont on se sait aimer ». En résumé, prier c’est donc, en toute confiance, ne pas avoir peur de dire à Dieu ses besoins, de lui parler de notre vie, de nos enfants, de nos projets, de nos peurs, de nos problèmes, etc. C’est aussi, penser à l’écouter, à faire silence de temps en temps pour saisir les inspirations de l’Esprit Saint et entendre sa voix. C’est ainsi que notre prière deviendra de plus en plus un dialogue avec Dieu, une élévation de notre esprit et de notre cœur vers lui.

Jésus dans l’évangile de ce dimanche nous apprend la prière par excellence : le Notre Père. Dans ce modèle de prière, nous prions d’abord pour le Règne de Dieu, sa gloire et ta volonté. A travers ces demandes, nous exprimons notre reconnaissance au Père qui nous comble de son amour. Après avoir prié pour le Règne de Dieu, le Notre Père nous invite à prier pour nous-mêmes. Dans cette deuxième partie, trois requêtes concernent le pain, le pardon et l’aide dans les tentations. C’est absolument important car on ne peut pas vivre sans pain, sans pardon, ni sans aide de Dieu dans les tentations.

Il ne s’agit pas d’une prière privée, mais d’une prière communautaire, car nous prions toujours au pluriel au nom de la communauté. Le Notre Père n’est pas une abdication de nos responsabilités et une demande à Dieu d’agir à notre place. Ce pourquoi nous prions, Dieu nous demande de l’accomplir dans nos propres vies : le règne de Dieu, le pain partagé, le pardon reçu et accordé, la libération du mal dans nos vies.

En tant que chrétien, il nous faut éviter de banaliser le Notre Père, de le répéter machinalement, comme s’il s’agissait d’une formule de prière quelconque. Le Christ a voulu nous enseigner « une manière de prier » qui puisse s’adapter à toutes les circonstances et à toutes les époques.

« Seigneur, apprends-moi à prier », apprends-moi à donner à Dieu la place qui lui revient et aux hommes l’amour auquel ils ont droit.

Amen.