Par Christian PLAGNARD

Sauvé du péché est le bien ultime.

 Pourquoi tant de violence au cours de cette rencontre entre Jésus et les pharisiens, dans le récit de l évangile de St Jn 8, 1-11 ?

Les pharisiens n’ont pas peur de sacrifier la vie d’une femme. Imaginez-vous le contexte, l’image de lapidations de femmes, de ces femmes d’abord mises à nu, puis tuées. Cela pourrait nous éviter de lire ce texte comme une simple parole, et d’avoir le ressenti de la violence qui habitait ces pharisiens, ces experts, ces purs de la Loi morale.  Les pharisiens cherchent à faire condamner Jésus, qui prétend être le Fils de Dieu, le Messie.

Et cela s’est exprimé après la guérison du paralytique à la piscine de Béthesda.

Jésus leur demande : « Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir» ?

Dans cette ambiance de procès à charge à l’encontre de Jésus, mené par les pharisiens dans toute sa brutalité. La critique se poursuivra dans le chapitre qui est tiré du récit de la femme adultère; et qui se termine par ce verset : « Les pharisiens ramassèrent des pierres pour les lancer sur Jésus, mais il se déroba et sortit du Temple»…   Cette femme est-elle utilisée pour condamner Jésus ?

Les pharisiens la déplacent au milieu, devant Jésus, et bien sûr tout en ayant « omis » d’amener l’homme qui avait péché avec elle.

Recherchant la vérité avec une attitude de respect vis-à-vis de Jésus, ils l’interrogèrent : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? ».

Jean va préciser : « Ils parlaient ainsi dans l’intention de lui tendre un piège pour avoir de quoi l’accuser».

Et les versets se poursuivent : « Jésus s’abaissant, se mit à tracer du doigt des traits sur le sol ».

Que pensait-il à cet instant, devant cette haine, cette violence venant des pharisiens, prenant à parti Jésus pour tuer cette femme, cherchant à le détruire lui-même.

Jésus s’est abaissé, comme il s’est abaissé en venant sur terre ici-bas par charité, comme il l’a fait envers ses disciples en leur lavant les pieds au moment où il leur donne le commandement de l’amour, de la vie donnée gratuitement, et à faire cela en mémoire de lui…

Jésus s’abaissant devant qui ? Aussi bien devant ces pharisiens et devant la foule, que devant cette femme, cette coupable de « péché mortel », devant nous tous qui lisons aujourd’hui ce passage de l’Évangile.

Jésus a dû réfléchir à la réponse qu’il pourrait donner à la question posée, non pas posée de manière banale, mais une question de vie et de mort pour cette femme, pour lui, pour toute l’humanité à laquelle il venait apporter son message d’amour et de miséricorde.

Il s’agissait de répondre par « oui » ou par « non ».

Quelle aurait été la suite : s’il disait « oui, il faut lapider cette femme comme le prescrit la Loi », il se mettait en contradiction avec le message d’amour et de miséricorde qu’il apportait, et il devenait responsable de la mort de cette femme.

Quelle aurait été la suite s’il disait « non, il ne faut pas lapider cette femme » : il se mettait en contradiction avec la loi de Moïse, lui qui pourtant a aussi dit « qu’il ne venait pas abolir mais accomplir la loi »…

Jésus était enfermé dans un piège, Il réfléchissait, mais je crois profondément qu’il priait, il devait prier le Père de mettre dans sa bouche les paroles à prononcer, avec l’aide de l’Esprit Saint, lui qui ne parlait pas de sa personne, mais qui disait seulement ce que le Père lui avait donné et enseigné.

Il devait prier pour cette femme, lui qui se laissait saisir de compassion devant l’humanité souffrante.

Il devait prier très probablement aussi intérieurement pour ceux qui le questionnaient, pour les sauver eux-aussi, pour qu’ils sortent de ce projet doublement criminel, lui qui a pleuré sur Jérusalem, lui qui, sur la croix, condamné par ces mêmes pharisiens a prié ainsi : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Comme ils continuaient à lui poser des questions, Jésus se redressa et leur dit : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. Et s’inclinant de nouveau, il se remit à tracer des traits sur le sol. »

Par cette parole, Jésus retourne la situation grâce à Dieu, Il oblige les pharisiens à sortir de leurs perversions.

Jusque là, ils n’étaient pas « hors la Loi », préoccupés de porter la Parole de Dieu, les questionner eux les pharisiens, pour les conduire à la conversion de l’amour de miséricorde.

Les pharisiens avaient une lecture bien à eux, rigoriste, de la Parole de Dieu, dont ils prétendaient être les maîtres, comme une arme pour condamner Jésus et condamner cette femme.

Dans ce tragique passage comment ne pas voir que la morale de la vérité, c’est oui ou non ?

Comment ne pas voir aujourd’hui tous les risques encore de nous poser en pharisiens ?…

Quand nous lisons tous ces passages de l’Évangile, où Jésus essaye d’apaiser les pharisiens, commençons toujours à nous identifier aux pharisiens, à nous dire que ceux qui risquent d’être dans le rôle des pharisiens d’aujourd’hui, c’est nous tous d’abord, les évêques, prêtres, diacres, et responsables religieux, mais aussi nous tous les baptisés pratiquants quand nous nous comportons de la même manière.

Nous devons nous rappeler aussi qu’il n’y a pas besoin de pierres pour lapider et tuer, les paroles malveillantes à l’encontre de nos frères, en particulier les calomnies, tous ces commérages contre lesquels le Pape François nous alerte, ont un pouvoir aussi fort.

Enfin, les pharisiens se remettent sous la Parole de Dieu qu’ils accueillent pour eux-mêmes, et nombreux semblent avoir été ceux qui voulurent prendre contact avec Jésus en l’invitant à leur table Lc 7, 36 .

Certains prirent ouvertement sa défense Lc 13, 31 .

Et celle des chrétiens Ac 5, 34 : « Après avoir entendu ces paroles, ils se retirèrent l’un après l’autre, à commencer par les plus âgés, et Jésus resta seul. »

La réalité de cette page d’Évangile, de ceux qui partent les premiers sont les plus âgés… Pourquoi ?

Parce qu’ils ont eu plus de temps que les autres pour ne pas aimer, ils ont eu plus de temps que les autres pour pécher !

Mais le chemin est long pour les pharisiens, ils n’en ont fait qu’une partie.

Ils n’utilisent plus le texte de la Loi, la Torah, contre Jésus et contre la femme, ils ont osé faire la vérité morale sur leur vie à la lumière du Père et en chemin vers lui, Père d’amour, et de miséricorde.

Ils ont pris enfin conscience de leurs manquements à la loi de vérité, écrite, proclamée, en se laissant rencontrer par le Sauveur.

Même si Jean ne le dit pas dans les versets qui suivent, ils ont dû partir, bien tristes.

N’ayant toujours pas rencontré en Jésus le Messie, ils sont surtout repartis encore plus remplis de colère de ne pas avoir réussi à coincer Jésus.

La femme a été humiliée devant la foule, dénudée physiquement et moralement, reconnue coupable d’un « péché mortel », aux yeux de la Loi.

Pourtant cette femme est bien reçue de Dieu, pas de façon si directe que certains peuvent le penser.

Mais voilà que Jésus se redresse, la regarde et lui dit : «Personne ne t’a condamnée ? ».

Elle lui répond : « Personne, Seigneur sauve moi de ceux qui me poursuivent » Ps 7,2.

« Moi non plus, je ne te condamne pas : va, et désormais ne pèche plus ».

Car je suis tendre et miséricordieux.

Amen