Par Jean-Claude SERVANTON

« Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et il mange avec eux. » Pour répondre à cette récrimination que lui adressent les pharisiens et les scribes, Jésus, dans l’évangile selon St Luc, raconte trois paraboles : celle du berger qui va à la recherche de sa brebis perdue, celle de la femme qui a perdu une pièce d’argent, celle de ce père dont le fils cadet est parti. Les trois paraboles suivent le même schéma: la recherche, les retrouvailles, la joie, la fête… La dernière, celle du fils, est plus développée, elle nous touche davantage car elle nous rejoint dans nos relations familiales. Les trois paraboles répondent à la même question: pourquoi Jésus fait-il bon accueil aux pécheurs? Pourquoi mange-t-il avec eux? S’il venait de Dieu, s’il était le Christ, il ne mangerait pas avec ces gens-là. Ceux qui récriminent, quelle idée se font-ils de Dieu? Quel Dieu veut révéler Jésus?

Dans la parabole, dite du fils prodigue, le manger tient une grande place. Le fils cadet éprouve la faim, il n’a plus rien à se mettre sous la dent, même pas les gousses que mangent les porcs. La faim l’incite à se lever et à retourner chez son père. Le fils aîné n’a jamais éprouvé la faim, il fait seulement remarquer à son père qu’il n’a jamais reçu un chevreau pour festoyer avec ses amis. Deux frères en manque, en solitude, éloignés l’un de l’autre, éloignés de leur père. La faim de pain, leur solitude, la faim de fête les creusent l’un et l’autre et leur découvrent la vanité de leur vie. Manger, travailler pour manger, travailler pour la reconnaissance qu’on en a. Peut-on vivre en frères s’il n’y a plus de père, mais quel père?

Jésus est cet homme qui fait bon accueil aux pécheurs et qui mangent avec eux parce qu’il est là pour ça. Ces gens sont venus pour l’écouter et sa parole, son attitude leur annonce un Dieu autre, un Dieu qui n’est pas celui des scribes et des pharisiens. Celui devant qui ils étalent leur mérite, leurs efforts, leurs sacrifices, leur vertu, pensant ainsi combler la distance qui les sépare de lui. Jésus mange avec les pécheurs qui sont venus l’écouter… il est le témoin d’un Dieu qui vient à la rencontre, qui leur ouvre sa porte, c’est lui qui sort, qui comble toute distance. L’alliance est renouée. Toute relation filiale et fraternelle se fête autour d’une table. A la grande solitude de l’égarement, à la vie besogneuse et sans joie, succède le repas de la fête, des retrouvailles. Voilà pourquoi Jésus mange avec les pécheurs.

Les pécheurs sont de retour. Mon fils, ton frère était perdu et il est retrouvé, il était mort et il est revenu à la vie. Nous allons fêter Pâques. Cette fête n’est pas celle d’une élite de justes, c’est la fête des retrouvailles offerte à tous ceux et celles qui acceptent de se laisser réconcilier avec Dieu par le Christ. Peut-être allons-nous penser que c’est trop facile puisqu’il n’y a plus de mérite, d’efforts. Nous voyons bien par l’attitude du frère aîné que cela n’est pas si facile de se reconnaître fils et frère l’un et l’autre. Nous hésitons encore à entrer dans la fête, dans la gratuité du pardon, quel est notre Dieu?