Par Jean-Claude SERVANTON

Luc 2, 22-40

La « liturgie des heures », autrefois on disait le bréviaire, nous propose la lecture d’un passage de l’homélie du Pape Paul VI à Nazareth le 5 janvier 1964. Chaque année, pour cette fête de la Sainte Famille, j’ai du plaisir à la relire. Dans l’évangile, la mention est brève : lorsque les parents de Jésus « eurent achevé tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée dans leur ville de Nazareth ». Et là, il ne se passe pas grand-chose : « l’enfant grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse et la grâce de Dieu était sur lui ». Et pourtant, cette vie cachée n’est-elle pas pour nous pleine d’enseignements ?

Le Pape Paul VI retient de son passage à Nazareth une leçon de silence … une belle leçon pour nous qui sommes assaillis par tant de clameurs, de fracas, de cris dans une vie bruyante et hypersensibilisée. Depuis 1964, il ne me semble pas que les choses se soient arrangées. On parle même aujourd’hui de la pollution due au bruit. J’ai la chance de faire des cures de silence. Celui-ci est parfois vide et engendre la mélancolie. Nous pouvons aussi faire l’expérience d’un silence plein, un silence qui repose, un silence qui permet de se recueillir au sens littéral, se cueillir soi-même, se retrouver… le recueillement porte à la prière. Le silence est aussi bien utile à la méditation de la Parole de Dieu. Il nous offre de pouvoir lire, de cueillir des enseignements. Dans le silence, nous nous préparons à parler, de la réflexion naissent les idées. Les paroles vraies viennent du silence. Comment se garder quelques minutes de silence dans nos journées ? Le matin en se levant, le soir en se couchant. Jésus, le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu, a d’abord été bien silencieux … sans compter toutes les fois où les évangiles nous disent qu’Il se retire à l’écart pour prier.

Deuxième leçon que le Pape Paul VI retire de son passage à Nazareth : une leçon de vie familiale. Nous fêtons ce dimanche la Sainte Famille. Jésus, comme nous tous, a fait l’expérience de l’amour reçu de ses parents… mais si nécessaire pour accomplir ses premiers pas dans la vie. La famille de Jésus est, sans doute, exemplaire. En quoi ? Dans le respect total de chacun pour la personnalité et l’itinéraire de l’autre. Nous voyons Joseph se soumettre au mystère de Marie. Marie se soumet au mystère de Jésus son Fils qui se doit aux affaires de son Père. Marie et Joseph ne comprennent pas mais respectent la voie que Jésus doit suivre. Et lui, Jésus dans le détail de la vie leur est soumis. Tout cela est important pour nous. Même le plus proche ne nous appartient pas. Il appartient à lui-même, à elle-même et nous croyons qu’il appartient à Dieu. Les autres ne sont pas toujours comme nous voudrions qu’ils soient, comme nous les rêvons. La Sainte Famille, dans le silence de Nazareth, nous apprend le respect.

Troisième leçon que le Pape Paul VI retient de son passage à Nazareth est celle du travail. A cette occasion, il salue tous les travailleurs du monde. Avons-nous fait des progrès sur les conditions de travail, le respect des travailleurs et de leur tâche ? Chaque gouvernement a son programme social de lutte contre le chômage. Nous ne savons rien sur l’apprentissage de Jésus sinon qu’il sera appelé « le fils du charpentier ». Pendant ce temps de Nazareth, Jésus découvre le monde. Il s’extasie devant la beauté des fleurs des champs, il est surpris de constater la naissance du minuscule grain de sénevé et la force du levain dans la pâte. Il découvre toutes ces réalités humaines, ces réalités naturelles auxquelles « le Royaume de Dieu est semblable ».

Bref, le long temps de Nazareth n’a pas été pour Jésus du temps perdu. Il nous conduit à prendre au sérieux l’humanité du Christ. Il a grandi, il s’est fortifié, rempli de sagesse, la grâce de Dieu était sur Lui. Bien des saints ont voulu vivre ou s’inspirer de cette vie de Nazareth. Je pense à Charles de Foucault à Tamanrasset se voulant à l’image de Jésus « frère universel ». Nous reconnaissons la valeur du temps ordinaire qui ne fait pas que passer, il est le temps où nous pouvons toujours nous remplir de sagesse, nous fortifier, où la grâce de Dieu est toujours avec nous.