« Lumière née de la lumière »
Télécharger le Kaléidoscope n°128 de mars 2021
par Eric de NATTES
Les Vitraux de l’église Saint-Denis
Voici donc les vitraux de l’église Saint-Denis posés. J’ai reçu les remarques de quelques paroissiens. Il y a ceux qui aiment (la lumière de l’église est enrichie par les couleurs, cela amène une vie supplémentaire…) et ceux qui n’aiment pas (cela assombrit l’église, les couleurs ne sont pas belles…). Je me permets une ou deux remarques avec d’autant plus de liberté que je n’ai pas participé au choix et que je les ai découverts, comme la plupart d’entre vous.
Il s’agit d’une création. Pas de refaire ce qui s’est fait, mais de créer. Nous sommes habitués aux vitraux figuratifs du moyen-âge et à ceux, abstraits, de la période contemporaine. Aujourd’hui, on admire Chartres et Conques. Je dis cela pour rappeler une évidence, il faut du temps pour intégrer ce qui se crée. C’est rarement immédiat. Souvenons-nous des premiers jugements sur les impressionnistes, sur la création des vitraux de Conques par Pierre Soulages ou de la pyramide de Ming Pei au Grand Louvre… ! On a le droit d’avoir une première sensation, impression, qui peut se muer en jugement. Mais je dirais volontiers à chacun : ‘’laissez le temps opérer son œuvre.’’ Évitez ‘’l’épidermique’’ qui se révèle parfois – souvent ? – superficiel ou idéologique. Une création modifie toujours l’espace auquel on s’était habitué. Cela peut déranger. Il y a un ‘’conservateur’’ qui peut sommeiller en chacun de nous et qui n’aime pas perdre ses repères.
J’ai moi-même été étonné en découvrant les premières maquettes, puis les premiers vitraux. J’ai fait silence et regardé ces ombres, ces silhouettes, discrètes, presque invisibles si l’on ne s’attarde pas un peu, passant dans la lumière. Celle orangée du couchant, celle bleutée d’un clair de lune ou d’une aube, celle de l’or éclatant du soleil levant ! En ce dimanche de la Transfiguration, cheminant vers Pâques, j’ai aimé ces présences prises dans la lumière, dans cette interface entre l’intérieur et l’extérieur qu’est un vitrail. L’humanité à l’extérieur, sur la place, faisant le marché, l’humanité à l’intérieur célébrant Celui dont elle confesse qu’il est ‘’lumière née de la lumière’’… toute l’humanité… celle, affairée et joyeuse sur la place, prise dans la lumière du jour, celle, émerveillée et recueillie, dans l’enceinte ecclésiale, dans l’illumination intérieure. Entre les deux, la création de l’homme qui donne forme, un instant, à l’invisible, une création qui fait passer !
