Par Christian DELORME

Matthieu, 1, 1-25

L’Amour demande à être aimé

Ce soir, mes amis, nous voici transportés, grâce à notre lecture active de l’Evangile vivant, à Bethléem! Bethléem d’aujourd’hui, Bethléem d’il y a environ deux mille ans, Bethléem de tous les temps!

Il fait sombre dans le ciel. Il fait sombre en mille lieux du monde, de l’Ukraine à la Syrie en passant par le Mali et le Nicaragua. Il fait peut-être sombre dans nos cœurs. Mais si nous tendons l’oreille, si nous écarquillons les yeux, voilà que peut se faire entendre en nous la musique des anges; voilà que peut se laisser voir en nous la danse joyeuse des archanges!

Votre cœur, mes amis, ce soir est une crèche où Marie, Joseph et l’enfant Jésus demandent à pouvoir s’installer. En effet, ils cherchent toujours une place! Avec eux, l’Amour demande toujours à être aimé!

Vous êtes sortis de  chez vous; vous avez voulu être ici. Tels les bergers des environs de Bethléem il y a quelque deux mille ans, vous êtes venus voir avec une certaine hâte le signe qui, de Noël en Noël, nous est donné: « un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». Que nous nous trouvions à Bron ou à Kiev, à Damas ou à Bombay, à Port au Prince ou à Brazzaville, etc, c’est le même signe qui resplendit, nous illumine, nous rassure, nous réchauffe, nous réjouit: un petit enfant tout juste sorti du ventre maternel. Il vous sourit. Comment pourriez-vous ne pas lui sourire aussi? Accueillez l’incroyable, l’inouï: Dieu, à travers lui, vous sourit! Ne gâchez pas l’occasion qui vous est offerte de sourire, vous aussi, à Dieu, en retour!

Venez vous agenouiller ou, au moins, selon l’état de vos genoux, venez vous incliner! Surtout, laissez l’admiration, la reconnaissance, la joie envahir votre cœur! Ce qui vous est donné à voir est une merveille, une merveille des plus simples, une merveille des plus courantes aussi: un nouveau-né! Mais ce nouveau-né semblable à tous les nouveaux-nés du monde, qu’ils soient des enfants noirs ou des enfants blancs, des enfants jaunes ou des enfants métis, ce nouveau-né est le Seigneur! Voilà ce que vous dit le chant des anges! Le Tout-Puissant s’est fait le Tout-Impuissant! Le Très-Haut s’est fait le Très-Bas! L’Eternel est descendu de ses hauteurs et, en Jésus, il a pris chair en notre humanité! Yahwhe s’est fait Yeshua : « Yahwhe sauve »!

Pour être enfin connu dans toute son authenticité, l’Amour ne pouvait que se faire discret, tout petit. Pour être accueilli sans crainte, il ne pouvait pas se montrer conquérant ou harcelant. Pour être reçu, il fallait qu’il soit sans rien. Pour accueillir, il fallait qu’il ait les mains vides. S’il s’était fait riche, il aurait fait peur aux pauvres! Tandis que, en se faisant pauvre, il révèle, aussi, leurs pauvretés aux riches!

Le Seigneur des univers, le Créateur des astres et des océans, a choisi de se faire l’un des plus petits d’entre nous. Le Verbe éternel s’est fait le sans-parole. Le Plein de Grâce s’est fait mendiant d’amour. Son humilité en appelle à notre disponibilité. Tels les bergers des environs de Bethléem, venez l’adorer avec humilité, lui le plus humble des humbles! Offrez-lui ce que vous pouvez lui offrir de mieux, à commencer par votre gratitude. Venez lui donner votre amour, car l’Aimant veut être l’Aimé. Venez chanter sa gloire qui est aussi votre gloire!

Le Messie davidique attendu depuis des siècles par le peuple d’Israël, a dédaigné les palais et leurs ors, et il a fui les honneurs. Il est né pauvre, dans une famille pauvre, dans un pays pauvre. Avec lui, ainsi, toutes les hiérarchies du monde se trouvent renversées! Si l’Empereur du Ciel est venu se faire le plus petit des fils d’hommes, comment pouvons-nous prétendre pouvoir nous mettre tant soit peu au-dessus des autres? Si le Tout-Riche de tout s’est fait le Tout-Pauvre en tout, comment pouvons-nous mettre notre confiance dans les biens matériels? Si le Dieu des armées angéliques s’est fait bébé désarmé, comment pouvons-nous exalter la violence? Le bébé posé dans une mangeoire d’une maison de Bethléem nous dit prophétiquement, par sa seule présence et par sa fragilité, que tout ce qui cause les malheurs du monde: le besoin de dominer, le souci des richesses, la soif de puissance, la méfiance à l’égard d’autrui… tout cela, en fait, est tromperie, vanité, et peut disparaître. Jésus dans la crèche ne témoigne d’aucune prétention politique, et pourtant sa naissance à elle seule vient réorganiser le monde! Elle le remet debout en partant par le bas! La crèche, c’est l’Evangile des Béatitudes proclamé en silence! C’est le béaba des Béatitudes ! Le béaba de la foi et de la pratique chrétiennes! Le béaba de Dieu ! En ne disant rien, Jésus nous parle, comme nous parlent les silences aimants de Marie et de Joseph…

Mes amis, nous aspirons tous, j’en suis convaincu, de manière plus ou moins confuse, à un monde d’amour, un monde de justice et de paix! La plupart d’entre nous nous sommes plutôt de « bonnes gens », en tout cas pas de « mauvaises personnes »! Quand des malheurs touchent d’autres humains, nous avons spontanément, presque tous, en tout cas, des élans de compassion. Mais nous le savons bien: nous sommes pris dans les engrenages de l’existence, les engrenages de nos sociétés matérialistes, les engrenages de nos sociétés peureuses et égoïstes, les engrenages de nos statuts sociaux, les engrenages de nos solidarités familiales comme nationales, les engrenages de nos besoins immédiats, les engrenages de nos soucis quotidiens… Or voilà que l’enfant de la crèche nous ouvre une issue de secours! Il nous montre que la simplicité et l’humilité sont les remèdes dont nous avons besoin et dont le monde a besoin! Il nous indique que, si nous l’accueillons dans notre cœur comme un petit enfant à aimer, alors nous saurons vraiment ce qu’il en est de l’essentiel et nous apprendrons à en vivre.

La manière de Jésus de nous faire connaître le Règne de Dieu, c’est de se proposer à chacun(e) d’entre nous comme un tout petit enfant à aimer. Sa manière de régner, c’est d’aimer et de se laisser aimer. Pouvons-nous refuser à l’Amour d’être aimé? Pouvons-nous refuser de nous laisser aimer?

Plus tard, devenu témoin adulte de l’Amour de Dieu, Jésus affirmera : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ». Autrement dit: je suis le chemin qui conduit à la vérité et à la vie! Ce chemin, ce soir, mes amis, croise celui des bergers de Bethléem. Empruntons-le et ne le quittons plus jamais! Trouvons-y notre joie ! Trouvons-y notre paix ! Trouvons-y notre force ! Trouvons y notre salut !

« Gloire à Dieu au plus haut des Cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime! ».