par Eric de NATTES

Jean 15, 1-8

 La vigne et les sarments

« Moi, Je suis la vraie vigne » : à la manière de St Jean, Jésus continue de dévoiler son identité par une série de métaphores (‘’Moi Je suis…’’ le pain vivant, la porte, le chemin, le bon pasteur, la lumière du monde…). Mais attention, une identité toujours en relation avec ses disciples. Il les prépare à son départ. St Jean ne fait pas de discours abstraits sur la vie divine en elle-même, séparée de sa créature. La vérité que St Jean explore est celle de la relation entre l’homme et Dieu, de la nature de cette relation, dont Jésus est la cheville ouvrière, lui le Verbe éternel du Père qui demeure parmi nous, lui, la Vie qui s’est manifestée comme l’un d’entre nous, lui, le Fils éternel en qui nous sommes créés. Et ici, la vie de l’homme apparaît, logiquement, bien greffée à la vie divine elle-même. Le sarment, même s’il peut être retiré de la vigne, émondé, devenir sec et être brûlé, le sarment fait tout de même partie de la vigne. Il en est la terminaison, celle qui va porter le fruit pour la transformation ultime en vin du Royaume. En vérité, cela signifie que l’image est audacieuse.

S’il y a bien une hiérarchie : un vigneron, une vigne avec un cep, des sarments et des fruits espérés, mais c’est une même sève qui irrigue l’ensemble dont les éléments sont inséparables, chacun à sa place. Il n’y a plus de coupure infranchissable entre le créateur et sa créature. La puissance de vie du Vigneron (le créateur) qui plante sa vigne s’étend bien du cep qu’il a engendré (le Fils Unique, sa Parole éternelle, créatrice), à la multitude des sarments qui s’épanouissent à partir du cep, irrigués par une même sève, un même Esprit.

St Jean re-modèle l’image traditionnelle de la vigne qui est Israël, le peuple que Dieu choisit, élu de son cœur pour qu’il témoigne de son Dieu. Ici, la vraie vigne devient Jésus lui-même, le Fils envoyé par le Père non pas simplement pour ‘’racheter nos péchés’’ mais bien plus, pour manifester de quelle vie – la vie même de Dieu – les sarments sont traversés. C’est la célèbre formule de St Irénée : ‘’la Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant.’’

Le rapport traditionnel entre un Dieu unique, là-haut, dans le ciel, et la créature, ici, en bas, en est complètement renouvelé. Le christianisme bouleverse un fondement habituel du monothéisme. La séparation, la coupure, entre le divin et l’humain.

En cet instant, regardant la diversité des sarments rassemblés, venus se greffer au cep unique pour en recevoir sa vie, son Esprit, je ne regarde pas simplement des sarments. Car par les sarments, je contemple la vigne dont je sais qu’elle est le Seigneur lui-même. Et contemplant la vigne, je rends grâce au vigneron et j’invoque la sève qui circule en nous, qui irrigue nos vies.

Cette compréhension a profondément modifié ma manière de prier au fil des années. Prier, c’est entrer en moi pour y découvrir la vie greffée à l’Éternel, à la vie vivante. Comme la Samaritaine est invitée à le faire au bord du puits.

Saul, ce sarment sec, animé d’une rage meurtrière contre la vigne, est devenu Paul, celui qui osera dire : ‘’ce n’est plus moi qui vit mais Christ qui vit en moi.’’ Un sarment désormais irrigué par le même Esprit et qui portera un fruit durable, incroyablement fécond.

Père, Vigneron créateur, émonde ta vigne pour la fortifier. Seigneur Jésus, Cep éternel auquel nous sommes greffés envoie en abondance l’Esprit irriguer tes sarments.

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