Marc 1, 14-20

Par Eric de NATTES

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Appel des disciples : Pêcheurs d’hommes

Nous sommes dans un lieu frontière, un bord de mer. Tout un symbole ! Jésus passe ! Une frontière entre la terre ferme, lieu de sécurité, d’assurance, et la mer, un lieu dangereux pour un peuple terrien comme les hébreux. Mais aussi un lieu qui ouvre un horizon, un paysage qui est comme un appel au grand large, à l’aventure. Jésus appelle donc des pêcheurs. C’est étonnant pour un nazaréen dont le métier semble plutôt dans la construction. Cela aurait pu être un beau symbole après tout : des constructeurs d’églises ! Mais non…

Ce sont des marins, c’est-à-dire des gens qui savent ce que veut dire ‘’quitter la terre ferme’’, prendre des risques en s’aventurant dans un élément instable, plutôt hostile, mais foisonnant pourtant de vie. Des gens dont le métier est de jeter les filets, inlassablement, et de pêcher, repêcher ! Mais sans aucune assurance de réussir. Ils connaissent l’échec. Des hommes embarqués sur une même barque, solidaires les uns des autres, dans un milieu instable, changeant.

Je ne sais pas pour vous, frères et sœurs, mais l’image me parle à l’heure où les bâtiments se vident et où le sol semble se dérober. Une Église de marins-pêcheurs… Une Église qui embarque avec son capitaine et quitte la terre ferme de ses assurances anciennes pour se lancer vers de nouveaux horizons. Nous allons voir !

Jésus appelle des frères : deux fois deux frères. Non seulement le chacun pour soi est impossible sur un bateau – la solidarité de chacun pour tous est la condition même de la vie et de la cohésion du groupe – mais voilà que le socle de cette petite communauté naissante est constitué de frères. Nous comprenons que c’est un appel et un défi. Tous ceux qui font de la voile vous le diront : 15 jours, trois semaines entre amis sur un voilier où chaque centimètre carré est compté, ‘’ça passe ou ça casse’’ ! Chacun doit adopter une attitude nouvelle où le ‘’moi-je’’ est banni, où l’attention au bien de tous est la règle si l’on veut la paix dans un espace où l’on ne peut s’isoler et bouder. Mais lorsque chacun s’oublie un peu pour le bien de l’autre, alors l’expérience peut devenir magnifique de fraternité. Voilà une autre image qui me parle : un vie fraternelle qui est en soi missionnaire, qui appelle, mais qui est exigeante, qui demande à chacun de se surveiller avant d’attendre que ce soit l’autre qui fasse des efforts. Une Église de frères et sœurs, pas une assemblée d’individus soucieux d’eux-mêmes.

Enfin, la finale de chaque appel m’interroge. Simon et André laissent là les filets. Que faut-il entendre ? Peut-être pas seulement leur instrument de travail, mais aussi ce qui les ficèle dans un avenir tout tracé ? L’appel est donc dans ce cas une parole qui les dé-ficèle, qui les rend à leur liberté de décider ? Et ce n’est pas en ficelant les autres  (puisqu’ils laissent leurs filets) qu’ils partent désormais à la pêche eux-mêmes, mais par le pouvoir de délivrance de la parole qui suscite la liberté ? Quant à Jacques et Jean, c’est leur père et ses salariés qu’ils laissent là ! Des sécurités familiales, des liens rassurants mais parfois aussi pesants, peut-être ! Vous n’avez qu’un seul Père, il est au ciel ! Qui est ma mère, qui sont mes frères et sœurs, ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique ! Une autre famille se constitue…