Jean 1, 35-42

Par Eric de NATTES

Appel des disciples en Jean 1.

« Que cherchez-vous ? » Ce sont les premiers mots de Jésus à ses disciples ! Ils sont donc d’une importance extrême. C’est une question, pas une affirmation ou une injonction. Une question qui renvoie d’abord les disciples de tous les temps en eux-mêmes. Devant Jésus, je suis invité à lui dire mon désir, tout mon désir.

Beaucoup veulent avoir une vie spirituelle en faisant l’économie de cette question qui implique qu’ils se connaissent et qu’ils osent dire leur désir. C’est un échec. Il m’a fallu attendre des années, dans ma propre formation, avant de rencontrer un prêtre, un jésuite, qui m’invite à ce chemin, sans jugement, dans la liberté. Alors je n’ai pas seulement dit mon bréviaire, récité mes prières, fait mon oraison, été à la messe, mais j’ai commencé un chemin spirituel.

Vous l’avez remarqué, il n’y a pas de réponse à cette question de Jésus, parce que la réponse est personnelle, unique. Et ensuite parce qu’il n’y a pas de réponse définitive. La vie est mouvement et chemin. Sans cette question et la réponse qu’on y apporte, il n’y a pas de relation avec Dieu. Il y a des prières, mais pas de relation. St Ignace fait commencer la prière par cette entrée en soi : ‘’qui suis-je en cet instant devant Toi, mon Dieu ?’’. Si je n’écoute mon désir, si je ne le formule pas, comment pourrais-je être à l’écoute d’une réponse ?

 

« Où demeures-tu ? » À la question de Jésus, celle des disciples maintenant. Elle renvoie à l’éternelle question de l’humanité dont le psalmiste se fait déjà l’écho : ‘’où est-il ton Dieu ?’’ C’est aussi la question de la Bien-aimée du Cantique des cantiques : ‘’ Avez-vous vu Celui que mon coeur aime ?’’ Où encore celle de Marie-Madeleine : ‘’Où a-t-on mis le corps de mon Seigneur ?’’ Dieu est donc une question de l’homme, une recherche, une quête. Il n’est pas une chose extérieure qui se laisse définir et posséder. L’homme cherche une Présence. C’est donc en soi qu’est la demeure ou plutôt dans la relation. Voilà ce que les disciples vont découvrir. Dans la joie comme dans l’effondrement, ce qui demeure pour Jésus est cette relation. Au moment même de la fin, ses derniers mots sont : ‘’En tes mains, Père, je remets mon esprit.’’ Ce qui ‘’demeure’’ est insaisissable, immatériel, fragile et fort comme l’amour qui espère jusqu’au dernier soupir.

 

« Venez, et vous verrez. » Deux verbes, une invitation, dès lors que ces deux questions sont entendues. Mais Jean ne précise pas le lieu où ils vont, ni ce qu’ils voient.‘’Venez’’ ! Parce que c’est un chemin désormais qui est ouvert, pas un lieu magique. Un compagnonnage. Et ce chemin, cette relation va ouvrir à une nouvelle identité, un renouvellement : ‘’Tu es Simon, tu t’appelleras Pierre.’’ L’attachement, le lien, ouvre à la vie. Accueillir la parole et la vie de Jésus, c’est ce que nous faisons durant chaque eucharistie pour demeurer en lui et lui en nous.

Seigneur, au matin de chaque jour, comme au soir du jour dernier, fais que ce qui demeure soit ce lien, pour qu’au jour naissant comme à la nuit tombée, chacun de nous puisse redire dans le murmure de confiance ou dans le cri de la souffrance : « En tes mains, Père, je remets ma vie. »