Jean, 1, 1-18

par Eric de NATTES

Hier le récit de la naissance de Jésus à Bethléem dans l’évangile selon St Luc. Beaucoup d’images parlantes : les bergers d’Israël dans la nuit, la réconciliation du ciel et de la terre avec le chant des anges. Aujourd’hui le magnifique porche d’entrée à l’évangile selon St Jean : un prologue avec une vision théologique profonde qui a mûri. Et pourtant : aucun rapport entre les deux ?

Mais à y regarder de près, le mouvement est le même. Ce que nous cherchions loin de nous, tout là-haut, symboliquement dans le ciel, est désormais au milieu de nous, dans notre humanité. Le Verbe de vie, celui en qui est la Vie, s’est fait l’un de nous. C’est désormais dans la fragilité et la beauté de la vie – un enfant – qu’il nous faut le reconnaître. Et si nous nous mettons désormais à genoux, ce n’est plus dans la crainte, devant ce qui nous écrase et nous domine, mais pour prendre dans nos bras la vie que nous protégeons, comme des bergers.

Cela n’a rien d’abstrait. Cela remplit au contraire le quotidien d’une lumière nouvelle. Chaque fois que je prête attention à un enfant qui me fait part de sa peine, de sa joie, de ses projets, de ses espérances ; chaque fois que je visite telle personne et que nous parlons humblement de nos vies avec leurs épreuves, mais aussi de leurs joies, que nous partageons ce qui en fait la saveur ; tout cela sans condescendance, sans hauteur, avec simplicité, sans avoir parfois les solutions pour l’autre, mais en étant simplement dans l’échange, alors la vie se retrouve dans le partage. C’est de cette vérité nue, venue d’en-bas, que peut monter une joie nouvelle, une sérénité, une paix qui se retrouve. Cette vérité-là ne s’impose pas d’en-haut, elle s’accueille et se cherche d’en-bas.

« La lumière brille alors dans les ténèbres et les ténèbres ne l’arrêtent pas. » Dans ces temps d’épreuve où les contraintes et l’urgence ont tendance à envahir tout l’espace de nos existences qu’il est bon de réentendre le message de Noël. Ce qui est grand, ce qui est bon, ce n’est pas le grandiose, l’écrasant, c’est au contraire ce qui sait se faire petit, car tel est le mouvement de Dieu en nous. En écoutant, par mon ministère, la vie de bien des hommes et des femmes, je me dis souvent qu’il faut rechercher le petit en nous, l’enfant si l’on peut dire. Il faut nous faire berger de nous-même déjà, en allant parfois rechercher la brebis perdue en nous, l’enfant que nous restons toujours et qui s’est égaré. Celui qui a des rêves, qui veut aimer et être aimé, celui qui a besoin d’être consolé, celui qui veut trouver la joie et goûter la vie. Celui-là ne peut plus être en surplomb des autres, il est avec eux, dans le partage de la vie. C’est exactement ce que Dieu fait : il est l’Emmanuel, Dieu avec nous, pas Dieu au-dessus de nous. Dieu en nous.

Frères et soeurs, après cette célébration peut-être partagerez-vous un repas de fête avec des proches. Alors profitez de ce qui est bon. Plus que tout, goûtez la présence les uns aux autres, sans penser que d’autres sujets sont plus grands que celui-là et mériteraient plus d’attention. Au contraire ! Aimez-vous les uns les autres sans hauteur. Dieu alors sera bien la parole de vie qui prend chair en vous. Joyeux Noël !