Luc, 2, 1-14

par Eric de NATTES

Un récit qui a 2000 ans… et de quoi nous parle-t-il ? D’un couple dont la vie est tout à coup happée par l’urgence : ‘’aller se faire recenser dans sa ville d’origine’’. Voici donc ce couple lancé sur les routes pour répondre à cette urgence, et du coup jeté dans une forme de précarité puisqu’il n’y a plus de place à l’auberge pour les accueillir. Et pourtant, un couple qui attend un enfant qui doit naître !

Les années passent, les moyens évoluent, mais la trame de nos existences a-t-elle tellement changé ? Ce couple ne vit-il pas la tension qui nous fatigue tous en ce moment. Fatigue de l’inquiétude voire de l’angoisse. Tension entre l’urgence à laquelle il faut faire face et qui nous jette tous hors de nos zones de confort, et la vie qui pourtant continue de germer, de s’épanouir ? Cette vie vers laquelle le récit de ce soir nous invite à tourner nos regards. Comme pour nous encourager à ne pas nous laisser dominer par cette urgence. À ne pas la laisser envahir tout l’espace de nos existences. À garder en nous, profondément, intact, ce lieu d’admiration, d’émerveillement, d’attention à la vie véritable, à la vie qui donne de la saveur à nos existences. À ce qui a du prix, de la valeur. Les rencontres. L’attention à l’autre. La fraternité et la solidarité. L’amour de nos proches. Les amitiés.

Ce qui m’a aussi touché dans ce récit de la nativité, c’est que la joie éclate au cœur de la nuit et que ceux qui sont conviés à cette joie sont les ‘’pauvres de cœur’’, les bergers d’Israël, c’est-à-dire ceux qui savent ce que c’est que de prendre soin de son troupeau, de connaître chaque brebis, de l’aider à mettre au monde la vie. D’aller rechercher celle qui s’est perdue. De soigner celle qui est souffrante. Et de les mener  toutes vers des pâturages nourrissants. Tout cela parfois dans la nuit, dans l’obscurité. Bien avant que le jour ne lève à nouveau. Qu’on y voit plus clair.

Enfin, le récit, avec une image qui parle à nos cœurs d’enfants, nous dit alors que ciel et terre se réunissent et chantent à l’unisson. Chœur des anges, chœur des hommes. Comme pour nous redire, la vie, celle qui ne s’éteint pas, la vie véritable, éternelle, elle est là, hors de la lumière des projecteurs qui nous rabâche inlassablement l’urgence. Et en chacun de nous il y a cet enfant qui veut vivre et se réjouir de ce don et savoir qu’il est aimé infiniment du Père de la vie et que sa propre vie chante à l’unisson de la création tout-entière.

Ne nous laissons pas déposséder de cette joie-là. Joyeux Noël frères et sœurs ! Noël, c’est en chacun de nous, si nous gardons même ce petit coin d’étable, sur la paille, entre le bœuf et l’âne, pour faire attention à la vie qui pousse et qui vous invite au meilleur de nous-mêmes. La vie qui élargit l’horizon fermé par l’urgence. La vie qui redonne des promesses d’avenir. La vie qui demande à être protégée avec tendresse. Ce soir, Bethléem en Palestine sera presque vide. Mais, frères et sœurs, chers amis, nous savons bien que ce récit est là pour nous rappeler que Bethléem – la maison du pain – elle sera là où vous vous rassemblerez ce soir pour fêter Noël. Aimez-vous les uns les autres ! Bonnes fêtes !