par Eric de NATTES

Matthieu 21, 28-32

Qui des 2 a fait la volonté du Père ?

Une toute petite parabole aujourd’hui, avec une opposition un peu simple au départ entre celui qui dit oui et qui ne fait pas et celui qui fait après avoir cependant refusé. « Il ne suffit pas de dire ‘’Seigneur, Seigneur, mais de faire la volonté de mon Père…’’ ; ‘’Qui est ma mère, ma sœur, mon frère ? Celui qui écoute la Parole et la met en pratique.’’ Mais tu le sais pourtant Seigneur, ‘’l’esprit est fort, la chair est faible.’’ Nous sommes souvent de grands diseurs et de petits ‘’faiseux’’ comme le dit un dicton populaire.

Mais voilà aussi que cette parabole qui pourrait en rester à un plan moral, a un horizon historique : l’opposition de plus en plus vive, inquiétante, agressive entre les Grands Prêtres, des scribes, des docteurs de la loi, des pharisiens, donc des chefs religieux, et Toi Jésus, le nazaréen : c’est-à-dire tes paroles et tes actes de miséricorde. Tu fais bon accueil aux prostituées et aux publicains. Tu pardonnes les péchés et tu donnes une parole de Salut, ce qui est le privilège de Dieu. Tu ne respectes pas à la lettre les prescriptions et parfois la loi elle-même en osant dire que tu es venu l’accomplir. Tu donnes une conception bien élargie du sabbat. La condamnation est déjà dans leurs cœurs. Ils sont dans la doctrine, l’idéologie religieuse, la pratique scrupuleuse.

Alors bien sûr, la toute jeune communauté de Matthieu, de plus en plus en opposition avec les autorités de la synagogue où elle continue de venir prier Dieu, est en butte elle aussi à la méfiance, l’agressivité, l’exclusion et parfois les gestes de violence. Elle relit donc tes paraboles, Seigneur, à la lumière de ce qu’elle vit et traverse. Elle s’identifie à ton destin, Seigneur, et sens que l’heure approche de la séparation douloureuse.

Et nous Seigneur, en cette année 2020 de ta venue parmi nous ? Chacun devrait ici pouvoir partager comment il entend cette parole pour lui, pour la communauté, aujourd’hui. Alors je tente quelques mots et chacun fera l’effort dans son propre coeur, dans son esprit, de cette relecture.

Ils sont tous deux fils, membres d’une même famille. Il ont un même Père qui leur lance le même appel. Tous deux entendent mais réagissent tellement différemment ! Et je constate qu’aucun des deux n’est ajusté à la volonté du Père, d’emblée, tout de suite. Est-ce à dire, Père, qu’aucun n’entend ta Parole, ta volonté, sans un temps de discernement ? Que veux-tu de moi, de nous ? Ou plutôt, sachant que tu m’appelles,  et mon frère avec moi, je le sais, quel est cet appel et comment ma réponse peut s’y ajuster, notre réponse. Combien de fois ai-je rêvé que notre famille, l’Église, ne soit plus la citadelle de la vérité mais la maison du discernement. Car le vérité est chemin, elle est vie, tu nous l’as dit, Seigneur !

Alors quel bonheur de vivre avec une équipe d’animation pastorale qui écoute, qui s’interroge et qui cherche comment ajuster la vie paroissiale au temps présent. Dans sa pauvreté, son élan, ses désirs, ses richesses. Bonheur de partager avec une équipe de préparation au baptême qui s’interroge sur sa proposition pour des familles si loin de l’appareillage ecclésial. Bonheur de d’échanger avec les baptisés qui s’investissent dans l’animation de nos liturgies du dimanche. Comment faire, avec notre pauvreté pour que nos célébrations restent un lieu de rencontre avec Toi, Seigneur, qu’elles soient simples, belles, réconfortantes, fraternelles ? Et ainsi avec tous les chrétiens qui servent ta communauté, et avec tous ceux qui œuvrent dans les combats de ce monde. La vigne est immense et tu appelles sans cesse, tous tes enfants. Avec tous ceux qui ne savent pas, mais qui cherchent. Avec ceux qui ne nagent pas dans les certitudes, mais avancent avec humilité pour comprendre et peu à peu s’ajuster.

Père du ciel, Père des vivants, en ces jours de rentrée, avec ceux qui arrivent, ceux qui ont déjà une longue histoire dans ce lieu, au sein de cette communauté, ceux qui prennent une responsabilité nouvelle, ceux qui continuent le service dans ta vigne, donne à chacun, au fils qui dit oui, comme à celui qui dit non, à celui qui croit savoir comme à celui qui pense ne pas savoir, donne ton esprit de discernement, de sagesse, de force, d’esprit filial. Apprends-nous que ce temps, dans ces difficultés et son opacité, ses épreuves et ses richesses est le temps de la grâce. Que chacun de tes enfants entende l’appel pressant à venir travailler dans ta vigne.

Amen