par Eric de NATTES

Matthieu 16, 13-20

Qui suis-je ?

Connaître Jésus, c’est répondre à la question ‘’qui est-il pour moi’’ ?

La parole des autres, des communautés, ne saurait remplacer la mienne. Jésus est-il lié au mouvement baptiste ? Bien sûr. Et pourtant il s’en est séparé et n’est ni Jean le Baptiste ni son continuateur. Est-il Élie, celui qui doit revenir aux temps derniers ? Oui, ces temps sont les derniers, mais il n’est pas Élie. Est-il Jérémie, le prophète souffrant au nom de sa mission. Bien-sûr puisqu’il va vivre la passion. Et pourtant il est autre et plus qu’un prophète.

La connaissance rapportée par les autres, même celle venant des croyances communes, n’est pas suffisante.

Se prononcer personnellement engendre une béatitude. Cela ne veut pas dire une vie facile et délivré du doute ou de l’obscurité. Nous le verrons dimanche prochain lorsque Pierre s’opposera au projet du Christ. Cela veut dire une vie qui a désormais une orientation, un sens, un densité, des repères, un chemin. Une vie qui a une relation en son centre, en son cœur.

Comme j’aimerais en cet instant que nous prenions le temps de nous dire avec nos mots : qui est ce Jésus que tu es venu écouter la parole et te nourrir de la présence ? Qui est-il pour toi, mon frère, ma sœur dans le foi ?

Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église !

Le jeu de mot entre l’objet ‘’pierre’’ et le prénom ‘’Pierre’’ fonctionne dans notre langue française, alors nous aimons traduire ainsi l’expression propre à Matthieu : ‘’Tu es Pierre et sur cette pierre…’’ Malheureusement, cela ne rend pas compte de la subtilité de la formule car le grec a deux mots ‘’petros’’ et ‘’petra’’. ‘’Petros’’, c’est le caillou, le gravier, le petite pierre. Alors que ‘’petra’’, c’est le roc, la pierre sur laquelle on peut construire solidement. ‘’Simon, tu es caillou, mais sur ce roc, je bâtirai mon Église. On perd le jeu de mot, mais on se rapproche de la vraie formulation.

Pierre, dans son humanité est caillou, une petite chose, voire parfois le caillou qui fait trébucher sur le chemin. N’oublions pas qu’il reniera et qu’il sera d’abord très frileux à l’idée d’accueillir les païens. Mais la foi qu’il vient de proclamer, c’est là le roc véritable qui est Jésus lui-même, Fils de Dieu, Christ ! Et contre cette foi venue du coeur, inspirée par l’Esprit, la puissance de la mort ne l’emportera pas.

Je me nourris aujourd’hui de ces paroles. Simon/Pierre est porte-parole du groupe des apôtres. La foi qu’il exprime est celle du groupe des disciples. Cette première Église n’a pas un héros à sa tête, mais un porte-parole qui trouve les mots pour dire la foi qui l’anime et placer l’objet de sa confiance au centre de tout : Jésus, le Christ. Je pense au synode romain qui se prépare sur la synodalité, une manière renouvelée de penser et de vivre la gouvernance dans l’Église catholique. Fasse que les membres de ce synode romain se laissent interpeler par la foi du peuple de Dieu. Par ses demandes.  Qu’ils en soient les porte-paroles, les serviteurs. Je sais aussi que dans l’obscurité des temps que nous traversons, l’humilité qu’elle nous impose, ma foi en Jésus Fils de Dieu, mon amour du Christ, envoyé du Père, est le roc, dans le désert, d’où jaillit la source qui me redonne vie.

Je te donnerai les clefs du Royaume.

Là encore, frères et soeurs, Pierre n’a pas le monopole des clefs. Au chapitre 18, lorsque Matthieu donne les règles de la vie communautaire, il fait dire à Jésus : « tout ce que VOUS aurez lié sur terre sera lié au ciel, tout ce que vous aurez délié sur terre sera délié dans le ciel. » Ainsi, c’est bien chacun de nous par sa parole, ses actes, son exemplarité qui peut lier/fermer ou délier/ouvrir les portes du Royaume pour son frère. C’est infiniment plus responsabilisant que de projeter cela sur un seul homme.

« Et vous, que dites, pour vous qui suis-je ? »