Par Jean-Claude SERVANTON

Matthieu 4, 1-11

Le temps de Carême est un temps où nous sommes invités à la conversion. Or j’entends dire de partout que pour préserver la planète nous sommes invités à changer nos modes de vie. Ces deux invitations, changement de nos modes de vie et conversion, dans la foi ne se rejoignent-elles pas? C’est pourquoi j’ai envie de parler de « Carême vert », ne cherchons-nous pas à avoir le label ou la pratique de « paroisse verte »?

J’ai la chance de passer des jours à la campagne. La nature et belle. Sans être un poète, mon regard se porte sur les forêts, les prés… chaque jour le paysage varie en fonction de la lumière du soleil, de la couleur du ciel, de la brume. Le vent est parfois violent. Je regrette la coupe abondante des sapins. Mon petit coin n’est pas une île et pour le préserver des citoyens ont créé une association pour une transition écologique. Quel regard portons-nous sur la création? La terre n’est-elle qu’une carrière à exploiter en fonction de nos besoins grandissants? Un auteur écrit sur la « sobriété heureuse ». L’Écriture nous parle de jeûne…sobriété et jeûne ne sont pas que sacrifices et privations mais aussi des pratiques pour notre bonheur.

Le même auteur qui décrit la « sobriété heureuse », je ne suis pas sûr qu’il soit chrétien, me souffle aussi qu’il ne peut y avoir d’attitude écologique sans spiritualité. Le regard sur la nature, la préservation de la planète peuvent devenir une idéologie comme les autres avec ses excès et ses raideurs. Un changement de modes de vie, de pratiques s’accompagne d’un changement du cœur. Le Pape François nous a rappelé que le sort de la planète et celui de l’humanité sont liés. Quand la planète est en souffrance, les plus pauvres sont en grande souffrance. Ce sont eux qui trinquent en premier. Notre regard sur la création tourne nos yeux et nos cœurs vers nos frères. Le Carême est aussi occasion de partage. L’écologie a aussi une dimension humaine et pour nous évangélique.

Nous ne sommes pas très loin de l’évangile de ce premier dimanche de Carême. « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Notre vie sobre et heureuse, notre partage se nourrissent de la Parole de Dieu. Notre vie est en trois dimensions: une relation avec la création, une relation avec notre prochain, une relation avec Dieu. Le diable essaie de disloquer, de séparer, de casser ces trois dimensions. Il s’attaque à Jésus… celui qui les incarne. Il lui suggère d’ouvrir une carrière pour que les pierres deviennent du pain. Il le conduit au sommet du temple pour épater la galerie par une performance. Au sommet du monde il l’invite à asseoir son pouvoir en l’adorant à la place de Dieu. Jésus est entré en tentation mais, avec la parole de Dieu, il n’est pas entré dans le jeu du diable. Vire un carême vert c’est finalement revenir aux fondamentaux, à l’essentiel: la foi en Jésus.  Fils de Dieu. Il est resté fidèle à la voix qui l’a désigné au baptême: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis tout mon amour. » Il reste le Fils pour que nous restions en lui, par lui, avec lui le Fils du Père. Notre salut est de ne plus être cassés, disloqués… Nous pouvons vivre notre relation de fils, de frère de tous les hommes, de créatures dans la création. Saint Paul de façon mystérieuse écrit que la création elle-même attend cette libération…des fils et des filles de Dieu. Le salut en Jésus Fils de Dieu a aussi une dimension planétaire.