par Eric de Nattes

Matthieu 6, 1-6, 16-18

Donner écho à :

1°) Le Prophète Joël : « Déchire ton cœur et non tes vêtements ».

  • Le vêtement : c’est ce qui t’habille, te recouvre, mais qui n’est pas toi. Bien sûr que l’indignation te submerge parfois. La colère aussi. La tristesse sans fond lorsque tu apprends encore et encore que l’amour s’est dévoyé, s’est faussé, s’est perverti en un homme en qui tant d’autres avaient mis leur confiance. Alors oui, il t’arrive de « déchirer ton vêtement », de dire de manière démonstrative ton ressentiment, ta tristesse, ta colère. Te voici indigné. Pour toi, reste indigné, de l’injustice, de la pauvreté, de la violence, mais entre dans ton cœur. Que ton indignation, ta tristesse, ta colère n’empêche pas ce mouvement. Le Mauvais aurait gagné.
  • Entre dans ton cœur ! C’est le mot biblique. Descends en toi, le plus profondément possible, le plus loin ! En cet instant je pense à Madeleine Delbrêl qui dit : « Si tu vas au bout du monde, tu trouveras la trace de Dieu. Si tu vas au bout de toi, tu trouveras Dieu. » Ou Saint Augustin : « je t’ai cherché au dehors, tu étais au dedans. » En descendant bien sûr, tu trouveras ton coeur déchiré, blessé, envahi aussi d’obscurité. Mais au cœur de ton désir éparpillé, blessé, ou cadenassé par la peur, tu le trouveras LUI ! Il te regarde, il te cherche, il te demande de lui ouvrir ta demeure : il n’a que son amour crucifié et renaissant à te proposer. Et Lui, sait que ton désir le plus profond, le plus authentique est d’être aimé et d’aimer, même si tu n’y crois plus en cet instant, même si c’est la fatigue de vivre qui te submerge, ou la peur qui te paralyse.

 

2°) Prie, jeûne et fais l’aumône. Dis-le autrement si ces mots ne te vont pas !

Prie : Prie. On ne t’invite pas à avoir des pensées sublimes ! On n’exige pas que tu n’oublies surtout personne dans ton intercession ! On ne te demande pas de te passer au crible de la morale pour voir si tu n’es pas trop mal ! On ne te demande pas de réciter et rabâcher ! Prier : un mot étonnant dont le sens vient d’un vieux mot : « precari » qui a donné aussi en français : « précarité ». Prier, me reconnaître dans une attente, dans une précarité de mon être. Et m’adresser humblement, plein de confiance à Celui qui m’écoute. À l’ami véritable qui désire partager la vie. Veux-tu être dans un cœur à cœur avec Lui ? Veux-tu lui dire tout ce qui est au plus intime de ton cœur, de tes joies, de tes déceptions, de tes attentes ? Et l’écouter.

Jeûne : Souviens-toi que ton coeur a été amoureux et qu’alors tout le reste te semblait accessoire. Tu étais revêtu des plus beaux vêtements, tu portais les plus beaux parfums et la nourriture de la présence aimée te comblait. Alors ne te dépouille pas pour jouer au pauvre. Ne manque pas pour manquer, dans la tristesse. C’est la joie de l’alliance que tu veux retrouver. Tu veux retrouver ta liberté de ce temps, quand prononcer le nom de l’être aimé te ravissait et t’inquiétait, te transportait. Alors jeûne volontiers de tout ce qui t’occupe trop sans te donner de joie véritable, pour revenir vers Lui. Il t’attend, comme au fond du puits de la Samaritaine.

Fais l’aumône : Partage ! Regarde celui qui n’a plus le luxe de pouvoir cacher sa pauvreté, son exil, sa solitude. Ton Dieu t’accueille tel que tu es. Il te désire vivant. Dans le partage en vérité de ton humanité, tu ne te penches pas sur la misère du monde. Tu la ressens au plus profond de toi comme une blessure qui ne t’est pas étrangère. Te voilà fouillé aux entrailles de ta propre précarité. Alors c’est sans démonstration ou ostentation que la nuit de ton chemin peut devenir lumière de midi.

 

Nous allons être marqués des cendres. Ce qui reste quand tout a été consumé. Ce qui marque un nouveau départ, une nouvelle germination.

Quelqu’un va nous redire : « convertis-toi et crois à l’Évangile ». Très belle interpellation d’un frère, d’une sœur, qui entend pour lui-même, pour elle-même, cette invitation de son Dieu à renaître. Vois ton peuple Seigneur qui veut quitter le pays d’esclavage pour reprendre le chemin du Royaume. Tu nous accompagnes.