Par Eric de NATTES

Matthieu 25, 31-46

Chers amis, frères et sœurs, nous sommes venus nous recueillir, ce soir, pour faire mémoire d’un être disparu, parti, décédé, enlevé à notre affection… les mots sont multiples pour dire la perte qui s’en est suivie. Le deuil ! La douleur d’être désormais séparé d’une voix, d’un regard, d’une caresse, d’un corps qui pouvait nous embrasser, dont la présence nous rassurait, nous redonnait force et confiance. Que faire de l’amour qui gît désormais en nous comme inutile et douloureux ?

Nous savons que le trésor de nos vies est dans les relations, les liens, les attachements que nous vivons et qui nous constituent : liens filiaux, fraternels, amicaux, conjugaux, parentaux. Ils font en grande partie ce que nous sommes. Parfois, c’est vrai, pour notre souffrance, malheureusement, si la relation a été dévorante, ou conflictuelle, voire violente, jalouse jusqu’à la maladie, ou indifférente alors que nous avons supplié pour un peu d’amour et de reconnaissance, ou envahissante lorsqu’on ne nous a pas permis d’être nous-même, de dire nos désirs…

Souvent, heureusement, la relation est aussi pour notre bonheur. Elle nous a construit, elle nous a aidé, cette relation, à devenir ce que nous sommes, à avoir confiance en nous, à nous sentir sécurisé, tout simplement aimé pour ce que nous étions. Chacun de nous a pu ressentir à quel point, lorsque cette relation était aimante, la vie était pleine, qu’elle était belle, qu’elle ouvrait des possibles et nous rendait plus fort, plus confiant. Nous avons su alors que la vie n’était jamais aussi belle que lorsqu’elle se donne à des proches que nous aimons et dont nous sommes aimés.

Les Évangiles, les paroles et les actions de Jésus ne disent pas autre chose. La vie est faite pour être donnée. Alors elle porte la fécondité qui est en elle. Elle sait, cette vie, qu’elle passe, qu’elle disparaîtra sous sa forme actuelle. Mais qu’elle n’est pas inutile. Qu’elle est faite pour recevoir et donner. Elle trouve alors son chemin et son but.

Toutes ces personnes qui nous ont été proches, nous en portons la mémoire. Et nous savons qu’en nous, la relation ne meurt pas. Que le dialogue continue. Que la mémoire est vivante. Que ce qui a été donné est comme un trésor vivant qui continue de grandir en nous. Alors faire mémoire ce soir, c’est dire merci, c’est recueillir une fois encore le trésor qui a été déposé en chacun de nous. C’est nous rappeler que ce trésor ne meurt pas.

Seigneur, en cet instant, fais-nous entrer dans l’espérance. Tu nous as donné des images pour nous guider sur la voie de la vie. Tu nous as dit que nos existences étaient comme une semence, un grain de blé. Et qu’il fallait que le grain de blé accepte de mourir en terre pour porter l’épi. Et que l’épi serait broyé pour devenir farine et être mêlé au sel et au levain pour devenir bon pain. Fais-nous accueillir en cet instant, que tous ces beaux grains de blé dont nous portons la mémoire, et qui ont donné leur vie sur cette terre, continuent leur transformation entre les mains de Dieu. Que l’enveloppe matérielle du grain était une forme qui passe. Mais que la vie, en cette semence, elle, va continuer à croître et à se transformer autrement entre tes mains.

Alors, selon l’extrait d’Évangile que nous venons d’entendre, nous aussi, nous veillons avec nos tenues de service. Nous faisons notre possible pour que nos vies se donnent et soient fécondes. Et nous tenons nos lampes allumées en guettant le maître. Nos vies ne sont pas condamnés au néant et à l’oubli, elle sont appelées à la lente germination de la transfiguration, de la résurrection, du relèvement, de la renaissance. De la rencontre tant attendue.

Ces lumières, nous allons les rallumer pour rappeler la vie de nos proches. Elles sont aussi nos existences données, offertes. Apprends-nous à devenir croyants, à entrer dans la confiance. Alors nous serons debout, dans la lumière, et non couchés dans les ténèbres.
Amen.