Par Amos BAMAL

Jn 14, 23-29

                        « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ».

Ces dimanches du temps pascal qui nous conduisent de la fête de Pâques à la Pentecôte sont comme un chemin pédagogique pour nous apprendre à vivre en Eglise, une initiation pour nous préparer à vivre ce que la communauté apostolique a vécu, c’est-à-dire le passage de la présence visible du Christ au temps de son absence et à la venue de l’Esprit Saint. C’est dire que les lectures de ces dimanches éclairent d’une façon particulière notre expérience d’Eglise. En guise de médiation, je voudrais vous proposer quelques réflexions à partir des lectures que nous venons d’entendre.

« Si quelqu’un m’aime ». C’est par ces paroles que Jésus inaugure le discours qu’il tient à ses amis alors qu’il est en train de les préparer à son départ imminent. Comment devrait se comporter celui ou celle qui prétend aimer vraiment Dieu ou son frère ? C’est la question à laquelle Jésus répond dans l’évangile de ce dimanche. « Il gardera ma parole… » Nous remarquons que pour parler du comportement et de l’attitude de celui ou celle qui aime vraiment, Jésus utilise le futur, et pas le présent : « il gardera ma parole… ». Pour Jésus, le vrai amour, comme tout ce qui est vrai et authentique dans la vie, se conjugue toujours au futur, se vérifie avec et par le temps. Seul l’amour vrai connaît un lendemain, seul l’amour vrai a un avenir. Il n’a rien avoir avec l’émotion, l’hypocrisie ou le mensonge du présent. Quand on est parti, fini, affaibli, destitué, l’amour qui sonne creux, l’amour qui est faux, léger, fragile, s’envole. Les apôtres avaient pourtant professé à Jésus la grandeur et la solidité de leur amour avant la passion…Le temps et les difficultés ont montré que ces paroles n’étaient pas solides, que cet amour était très fragile. Combien de nos amours déclarés ont mordu la poussière avec le temps ? Combien de nos déclarations d’amour au Seigneur et au prochain ont disparu, vaincues par les difficultés, par la durée ?

Aimer vraiment Dieu, c’est l’accueillir dans ma vie, mais c’est aussi accueillir mon frère. Dans la lecture des Actes des Apôtres, nous sommes témoin d’une controverse. Une discussion provoquée par l’entrée des païens dans l’Eglise. Devraient-ils être soumis aux mêmes obligations que les juifs ? En particulier, fallait-il qu’ils portent ce signe de l’appartenance au peuple juif qu’était la circoncision ? Cette question de la condition pour devenir disciples du Christ trouble profondément ceux qui sont appelés à constituer l’Eglise. Faut-il adopter les coutumes juives pour devenir chrétien ? Les difficultés qu’éprouvent les premiers chrétiens à accueillir les païens dans la première lecture de ce dimanche montre bien la difficulté de certains chrétiens d’aujourd’hui à accueillir leurs frères et sœurs. Après avoir proclamé notre amour pour lui, Jésus s’attendrait à ce que nous construisions une société qui accueille, qui crée des passerelles, des liens entre nous. Mais hélas ! Que de discriminations, d’exclusion, de rejet. Et pourtant, on ne peut pas séparer notre amour pour Dieu de l’accueil que nous nous réservons les uns les autres.

Ce revirement des marqueurs d’identité du peuple de Dieu se trouve également dans la deuxième lecture tirée de l’Apocalypse. Nous savons l’importance qu’avait le temple pour le peuple juif. Dans la vision de la Jérusalem resplendissante de la gloire de Dieu, il n’y a pas de temple, parce que le Temple, c’est le Seigneur. Ici encore, il ya un revirement incroyable d’ouverture. Et avec l’Evangile, nous allons comprendre que c’est finalement nous le Temple, puisque le Père vient chez nous pour demeurer avec nous.

Que comprendre donc de tout cela ? Jésus, en répondant ainsi à la question de Jude, déclare aux disciples qu’il est prêt à se manifester à quiconque décide d’aimer : « Si quelqu’un m’aime », comme si c’était la seule et unique condition pour que Dieu se révèle. Pas nécessaire d’être juif, pas nécessaire d’être circoncis, pas nécessaire d’aller au Temple, Jésus va se manifester à celui qui décide d’aimer. C’est donc encore vrai aujourd’hui. Bien que l’amour soit notre appel fondamental de chrétiens, il ne nous est pas exclusif. Dieu est là où l’Amour existe, puisqu’il est l’Amour.

L’amour vrai, c’est la confiance et la sérénité. « Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé… ». Quand on aime vraiment Dieu, on ne doute pas, même si on ne le voit pas, même si on ne sent pas. Quelqu’un disait d’ailleurs que « la foi commence quand Dieu ne répond pas ». L’amour vrai vit sous le souffle de l’Esprit. « Mais le défenseur, l’Esprit Saint… vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit ». C’est notre aide-mémoire. C’est le protecteur de notre amour. C’est lui qui imprime dans notre mémoire, dans notre cœur, comme sur du marbre, l’image de Dieu et celle de nos frères et sœurs.

Jésus nous dit : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ». Voici donc le moyen pour juger de la qualité de mon amour envers Dieu : je n’ai qu’à regarder ma fidélité à sa parole. Finalement, qu’est-ce qui est le plus facile : dire « j’aime Dieu », ou dire « je suis fidèle à sa parole » ? A nous de voir, mais ce qu’il faut se rappeler, c’est que le Seigneur ne veut pas que nous soyons des grands parleurs, petits faiseurs. L’amour que nous portons à Dieu doit se manifester concrètement dans la mise en pratique de sa Parole.

Bref, écoutant tout cela, même si on peut se sentir bien pauvres, sachant que notre amour envers Jésus et notre fidélité à sa parole sont bien fragiles, retenons ce que Jésus nous dit : « Ne soyez pas bouleversés et effrayés. C’est la paix que je vous laisse ».  Jésus nous donne sa paix ce matin pour apaiser et dissiper la peur, l’angoisse et l’inquiétude qui nous tenaillent dans notre vie. Cette paix de Jésus que nous recevons doit nous permettre désormais de vivre dans la quiétude et la sérénité. Mais il ne s’agit pas de jouir de cette seul, nous devons la répandre la communiquer et la diffuser au tour de nous en réconfortant ceux qui sont angoissés par la peur, la solitude, la maladie et les difficultés de la vie. Si nous aimons vraiment le Christ, nous devons surmonter notre peur et notre inquiétude, et chercher cette vraie paix, qui n’est pas une coexistence pacifique, mais don du Seigneur qui établit le croyant dans la confiance, la sérénité et la joie. Alors même si on se sent bien petits, osons la confiance, parce que l’Esprit Saint que le Père va envoyer au nom de Jésus, nous enseignera tout, même comment aimer et comment être fidèles à sa Parole. Ayons confiance et soyons dociles, parce que Dieu, lui, nous aime, il est fidèle à sa Parole.

Amen.