Par Amos BAMAL

Luc 6,39-45

                  « Voir clair pour naître à la bonté. ».

Dans la finale de l’évangile de dimanche dernier, le Seigneur Jésus nous invitait à être miséricordieux comme le Père céleste. Il nous indiquait quatre façons d’être et d’agir pour pratiquer la miséricorde : ne pas juger, ne pas condamner, pardonner et donner sans mesure. L’évangile de la liturgie de ce dimanche nous propose les versets de conclusion de ce discours de Jésus, qui continue son enseignement sur la miséricorde avec trois courtes paraboles et une comparaison entre le disciple et le maître.

La parabole de l’aveugle qui guide un autre aveugle, semble être destinée aux animateurs des communautés qui pensent être les détenteurs de la vérité, et par conséquent, supérieurs aux autres. Pour cette raison ils sont des guides aveugles. Celui qui pense qu’il y a un chemin supérieur à celui de la miséricorde est aveugle. Pour ce cas-là, nous pouvons interpréter « aveugle » non pas comme « personne non-voyante du point de vue physique », mais comme personne qui ne sait pas d’où elle vient et où elle va. Il s’agit d’un aveugle spirituel qui ne se connaît pas lui-même, ni Dieu, ni les autres, car Dieu est miséricorde.

Aujourd’hui, le Christ insiste sur le regard que nous portons sur les autres, en particulier sur nos frères et sœurs. Nous voyons plus facilement leurs défauts que leurs qualités. Nous sommes comme cet homme qui voudrait enlever la paille qui est dans l’œil de son frère, mais qui ne remarque pas qu’il y a une poutre dans le sien. Nous avons parfois trop tendance à juger sévèrement les autres, leurs faux pas, leurs mensonges, nous les voyons facilement. Mais comment voir avec une poutre en son œil ? Le Christ ne préjuge pas des raisons qui engagent l’un à s’occuper de l’autre. Les sentiments qui nous poussent à aider notre sœur ou notre frère à se débarrasser de ses défauts peuvent être louables, mais le Christ nous dit également : « regarde-toi », dans quel état es-tu ? Peux-tu véritablement aider ton frère dans l’état où tu es toi-même ? Par contre si tu n’es plus entravé par cette poutre qui obstrue ton œil alors tu pourras voir clair. Essayons d’imaginer un homme avec une poutre dans les yeux. Essayons de mettre une poutre dans nos yeux. Nous sommes morts. Cela veut dire que celui qui juge sans utiliser la miséricorde est mort. Celui qui est un juge présomptueux impitoyable qui regarde toutes les pailles dans l’œil des autres est mort dans le cœur. Si notre intention est d’aider nos frères et sœurs à vivre dans le bien, il nous faut, dans le même temps, unifier notre être et notre comportement selon la pensée de Dieu. Sinon comment pourrions-nous les aider à vivre ce que nous ne vivons pas ? Pour que nos paroles soient encouragement et non « reproches », pour qu’elles soient « réconciliation » et non « pseudo-assistance », rappelons-nous : ta poutre et sa paille.

En fait l’humilité est bien la seule lucidité que nous devons vivre, la seule lumière dans le regard que nous portons sur nous-mêmes devant nos frères et sœurs. Alors mettons-nous à l’œuvre humblement et prudents dans nos jugements. Ne ridiculisons personne, ne diminuions jamais l’un de nos frères. Acceptons que les autres soient autres, pensent autrement, agissent autrement, parlent autrement. Etre « autre », ce n’est pas être « moindre ». Ce dont nos frères et sœurs ont le plus besoin, ce n’est pas d’abord de nos reproches, ils ont besoin d’amitié, de douceur et de communion.

En ce dernier dimanche qui nous conduis au carême, la question fondamentale que le Seigneur nous pose aujourd’hui est de savoir : Quels genres d’arbres sommes-nous ? Des bons arbres ou des mauvais ? Quels types de fruits produisons-nous ? Des fruits amers ou succulents ?

Puisse le Seigneur au cours de cette célébration eucharistique, être toujours avec nous et nous toujours avec lui, afin d’être de bons arbres qui produisent de bons fruits succulents et savoureux : des fruits de miséricorde, d’amour, de justice et de paix.

Amen.