Par Jean-Claude SERVANTON

Luc, 4, 1-13

J’ai lu dans le Missel des dimanches un petit mot de sainte Elisabeth de la Trinité dans lequel cette carmélite écrit que nous portons en nous « un petit ciel ». J’ai aimé cette image. En effet chaque matin, chaque jour n’essayons nous pas de voir un bout de ciel bleu… un bout de ciel toujours ouvert, toujours dégagé malgré les nuages que le vent peut souffler, nuage de l’épreuve, de l’inquiétude, de la peur, du mal qui nous entoure, qui nous éprouve, le mal que nous faisons. Un bout de ciel, cette image est évangélique. St Luc nous raconte que lors du baptême de Jésus le ciel s’ouvrit et une voix se fit entendre : « Tu es mon Fils bien-aimé… » A la suite l’Esprit conduit Jésus au désert où il est tenté par le diable. Le ciel entrouvert lors du baptême va-t-il se refermer?

Le diable va user de toutes ses ruses pour que le ciel se referme. Si Jésus avait ordonné que les pierres deviennent des pains, le ciel se refermerait. Il réussit à laisser le ciel entrouvert en reprenant l’Ecriture : « L’homme ne vit pas seulement de pain » Jésus sait bien que l’homme vit de pain. Il a faim. Il multipliera les pains pour nourrir une foule qui l’a suivi. Mais il refusera que cette foule fasse de lui un roi. Mieux, il prendra sa chair pour la donner comme un pain, comme une nourriture… Le ciel reste entrouvert. Nous risquons toujours d’oublier le ciel ouvert lorsque nous mettons notre dieu à la hauteur de notre nourriture, de nos biens comme s’ils avaient la capacité de calmer notre faim. A la suite de Jésus, lorsque nous avons le cœur sur la main, la joie élève nos yeux vers le ciel ouvert, notre cœur s’apaise.

Si Jésus avait accepté de se jeter en bas du sommet du temple, là encore le ciel entrouvert au baptême se serait refermé. Nous serions en adoration devant un sur-homme. Que de fois Jésus sera sollicité à donner un signe éclatant. Non il ne met pas Dieu à l’épreuve pour sa propre gloire. A la croix, les moqueurs lui disent : « si tu es le fils de Dieu descends de la croix… » et Jésus ne descend pas de la croix. Pourtant il se serait sauvé mais sans nous sauver. Même là au calvaire le ciel reste ouvert. Après la nourriture, nos biens, nous sommes aussi tentés d’accomplir notre propre gloire, de nous sauver du commun des mortels pour le paraître, par un exploit, bref nous mettre au dessus. Nous levons les yeux vers le ciel bleu ouvert au dessus de nos têtes dans le service quotidien.

Si Jésus enfin avait accepté de se prosterner devant le diable, le ciel se serait refermé, le pouvoir aurait seulement changé de main. Jésus aura une attitude respectueuse et critique envers les pouvoirs religieux et politiques. Il n’a pas cherché à prendre un quelconque pouvoir. Il a demandé à ses disciples de ne pas faire sentir leur pouvoir. Devant Pilate qui a le pouvoir de le condamner, il affirme qu’il est venu pour rendre témoignage à la vérité. Le ciel reste ouvert, du baptême de Jésus à la résurrection en passant par la croix.

Le ciel est ouvert non seulement pour la fin de notre vie. Le ciel est ouvert chaque jour depuis notre lever. Il lève nos yeux plus haut que ce que nous allons manger, gagner, plus haut que ce qui nous reste à faire, plus haut que n’importe quel exploit à accomplir… Le ciel est ouvert aujourd’hui… une petite joie donnée ou reçue… une amitié ou un amour ouvert… Notre misère ne couvre pas tout le ciel… laissons le ciel ouvert par l’amour de Dieu révélé par le Christ. Ce ciel ouvert, ce petit coin de ciel bleu, éclaire notre carême. Un ciel à re-découvrir.