Par Jean-Claude SERVANTON

Luc, 2, 41-52

La liturgie ne nous laisse pas beaucoup de temps devant la crèche. Dès ce dimanche de la Sainte Famille, elle nous transporte à Jérusalem. Le petit Jésus a 12 ans. Déjà il parle rudement à ses parents, déjà il donne l’orientation de sa vie : « il me faut être chez mon Père ». Le dialogue avec Marie a toutes les apparences d’un conflit de générations. Et de manière un peu inattendue, de retour à Nazareth, l’évangile nous dit qu’« il leur était soumis » Jésus aurait-il passé tout à coup sa crise ? Est-il redevenu sage ? Et si dans cet épisode Jésus nous donnait à voir Dieu.

« Il leur était soumis ». Que signifie cette soumission ? Nous n’aimons pas beaucoup la soumission. Nous y voyons un manque de liberté. Comment Jésus, le Fils de Dieu, peut-il se soumettre ? Que veut-il nous dire ? Jésus, au temple, a eu avec Marie un dialogue difficile. Marie et Joseph sont étonnés. Ils ont souffert de sa disparition : « pourquoi nous as-tu fait cela ? » Ils ne comprennent pas la réponse de leur fils : « Il me faut être chez mon Père ». Pauvres parents, leur fils leur échappe. Ils font l’expérience difficile de tous les parents : leur fils ne leur appartient pas. Il n’est pas pour rester chez eux. Jésus révèle qu’il reste chez son Père. C’est l’orientation de sa vie. Marie et Joseph n’ont pas prise sur cette orientation, cette vocation. Le lâcher-prise, cette dépossession qu’expérimentent tous les parents est peut-être l’occasion pour eux de quitter leur chez-eux, leur contentement, pour aller eux aussi chez le Père, chez Dieu. L’enfant invite par sa présence à se dépasser, il ouvre un chemin de vie.

« Et il leur était soumis »…alors après avoir bien marqué qu’il se doit d’être « chez son Père », Jésus à Nazareth revient-il à la case départ ? Après avoir marqué ses distances, est-il comme avant le sage petit Jésus ? grandissant en taille et en grâce. Nous avons besoin comme Marie de garder dans notre cœur tous ces événements. Nous contemplons Jésus à la crèche, contemplons-le aussi à Nazareth. Se soumettre à ses parents est ici la manière de se soumettre à Dieu, d’être chez son Père à Nazareth. Là dans leur maison, parents et enfant ont désormais le cœur ouvert sur Dieu. Ils ne sont pas en face à face, leur chez eux est aussi la maison du Père. Ils sont réunis par un esprit de famille, un seul Esprit avec un E majuscule, celui qui les a fait naître. Ils sont réunis aussi par la même Parole, celle de la Bible, qu’on lit à la synagogue. La vérité de cette famille éclatera, lorsque Jésus, ayant quitté Nazareth annoncera : « qui sont mes frères, mes sœurs et ma mère, ce sont ceux qui font la volonté de mon Père. » A la crèche, Dieu se révèle dans la faiblesse d’un enfant, à Nazareth Dieu grandit en humanité pour nous élever à sa divinité. Pour faire court, il est chez lui chez nous.

« Et il leur était soumis ». Dieu grandit en chacun de nous, dans chacune de nos familles. Dieu, il est comme ça, son amour le conduit à grandir, en nous, avec nous. « Lorsqu’on est en famille, il est difficile d’y feindre et d’y mentir ; nous ne pouvons porter un masque » écrit le Pape François. Les parents lisent dans les yeux de leurs enfants et je crois que la réciproque est vraie. Cette authenticité nous grandit. Dieu grandit en nous en humanité. La vie en famille est remplie de petites attentions, de petits gestes, ces petits cadeaux de tous les jours. Dieu grandit en nous en humanité. Le chant des anges est une bonne nouvelle pour chacune de nos familles, la gloire de Dieu et la paix s’y vivent ensemble.