Par Jean-Claude SERVANTON

Marc, 10, 2-16

Les pharisiens abordèrent Jésus et pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme? » Au moment où le divorce touche presque toutes les familles, cette question est pour nous aussi une mise à l’épreuve. L’évangile, les réponses de Jésus nous paraissent dures. Mais lui Jésus ne serait-il pas lui-même éprouvé, touché dans son esprit et son cœur par la question? Cette souffrance n’ouvre-t-elle pas pour lui et pour nous un chemin?

La question posée à Jésus n’est pas « question posée à un champion »… question d’un moment, une question de mémoire. « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme? » Cette question atteint sa raison, son cœur. Si Jésus est un homme vrai, il ne peut pas écarter cette question éprouvante. Il ne peut pas s’en sortir par une intelligente pirouette. Aurait-il réponse à tout? Les questions que nous nous posons aujourd’hui sur le début et la fin de vie, sur le mariage, nous éprouvent. Elles ne sont pas seulement des sujets d’examen. Le Père Varillon disait qu’on ne peut traiter certaines questions qu’avec des doigts d’infirmière. Elles touchent au mystère de la vie, de la rencontre, de l’accueil de l’autre.

A mon étonnement, des fiancés choisissent comme lecture pour la célébration de leur mariage la première partie de la réponse de Jésus : « Au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme… » Jésus ne répond pas d’abord « Il est permis, il est défendu. » Il se situe au commencement de la création, avant la loi, avant l’endurcissement des cœurs. Au commencement, Dieu crée l’homme et la femme, la relation dans la différence, l’amour… celui-ci étant toujours en désir d’unité. Ce choix des fiancés m’a aidé à réfléchir. Je me suis fait, auprès d’eux, l’avocat du diable. Je n’ai pas pu les faire changer d’avis. Plusieurs m’ont répondu : « C’est ça la vie… » réponse simple qui appelle de longs développements et pourtant n’est-elle pas juste? Jésus, vrai homme, sait parler de Dieu et de l’homme en nous ouvrant au commencement, là où les cœurs n’ont pas encore eu le temps de s’endurcir. Que les questions d’aujourd’hui sur la vie, le mariage nous ramènent au commencement…là où l’homme et la femme sont créés « image de Dieu ».

De retour à la maison, les disciples interrogent de nouveau Jésus sur cette question : « Est-il permis de renvoyer sa femme? » et la réponse tombe : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. » Jésus ne dit rien de celle et de celui qui a été renvoyé. Serions-nous enfermés par un jugement sans appel? Je n’en referme pas pour autant l’évangile et le mot adultère me conduit à l’épisode de la femme adultère dans l’évangile de saint Jean. Jésus à terre, écrasé par l’épreuve se relève et ne jette pas la pierre. « Moi non plus, je ne te condamne pas ». Le jugement n’est pas sans appel.

Sans aller chercher dans l’évangile de Jean, cet épisode éprouvant dans saint Marc est suivi par l’épisode plus souriant de l’accueil des enfants par Jésus. C’est peut-être par là que nous aurions dû commencer pour comprendre ce qui précède. Cet accueil des enfants est une bénédiction. Les enfants ne nous conduisent-ils pas au commencement. L’enfant ouvre un chemin. La vie n’est pas d’abord à gagner au prix de beaucoup d’efforts, elle est un don à accueillir comme on accueille un enfant. Le Royaume de Dieu n’est pas fermé par une loi. Même si celle-ci est utile pour baliser le chemin, c’est le chemin qui compte sorti des mains de Dieu, Jésus nous engage toujours à aller plus loin.