Par Franck GACOGNE

Marc 6, 1-6

Ne croyons pas que Jésus était accueilli à bras ouverts partout où il passait ! A plusieurs reprises, il a été rejeté. Jésus se heurte ici à un refus obstiné dans son entourage immédiat. C’est de ce passage que vient l’expression bien connue : « Nul n’est prophète en son pays. » Jésus se retrouve comme souvent à la synagogue pour enseigner. Seulement cette fois-ci il est chez lui dans le village où il a grandi, et l’incrédulité des gens naît de ce que justement l’identité de Jésus n’est un mystère pour personne. Les gens de son village savent qui il est ; ils savent qu’il n’est que le charpentier, le fils de Marie, alors qu’ailleurs Jésus est peut-être d’abord perçu comme un grand prophète, quelqu’un qui réalise des signes prodigieux au nom de Dieu. Mais dans son village, rien de tel, les gens ont si je puis dire « connu Jésus en culotte courte », alors rien de ce qu’ils peuvent voir ou entendre de lui ne peut les convaincre. Ils savent déjà tout sur lui : ils ont été ses voisins, ses amis, ses clients peut-être pendant plusieurs années.

Luther avait écrit cette phrase : « Il vaut beaucoup mieux pour toi que le Christ vienne par l’Evangile. S’il entrait maintenant par la porte, il se trouverait chez toi, et tu ne le reconnaîtrais pas ! » Or pour les gens de sa patrie, Jésus est entré par la porte, la porte de sa maison, de son atelier de charpentier, la porte de ses voisins. Par ces portes-là, il est difficile « d’entendre la Parole ». Il n’en arrive que l’écho déformé des bavardages.

Je suis convaincu qu’il est plus facile 20 siècles après, de croire qu’un homme puisse être Fils de Dieu. Car avec l’écart de temps, de culture et de tradition qui nous en sépare, nous ne pouvons pas dire comme ses voisins « enfin, n’est-il pas le charpentier, le Fils de Marie ? ».

Vous l’avez compris, la question centrale qui se dégage de ce passage, c’est celle des deux natures de Jésus : Entièrement homme et entièrement Dieu. Il est absolument nécessaire de trouver Dieu en Jésus, pour être capable de le percevoir dans son Eglise, dans nos frères dans les plus petits. Ce passage d’évangile affirme l’humanité réelle du Christ, par cet enracinement familial mais il pointe en même temps sur quelque chose de sa transcendance divine : « D’où cela lui vient-il ? » La question reste sans réponse. Les jalons se posent et il faut attendre l’acte de foi du centurion romain au pied de la croix pour que la reconnaissance se fasse : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! ».

Cela peut nous questionner : si je devais dire qui est Jésus pour moi, est-ce que spontanément je parlerais d’abord du compagnon de route, du fils du charpentier de Nazareth, de l’ami ; ou plutôt d’abord de celui qui est en Dieu, qui est son Fils unique et vers qui va ma prière ?

De tout temps l’Eglise a cherché à tenir et à affirmer un équilibre parfait entre ces deux natures constitutives du Christ parce que Jésus est le trait-d’union entre Dieu et les hommes. Il est celui par qui nous sommes sauvés, celui qui nous rapproche de Dieu.

 

Ce thème de la reconnaissance de Dieu dans l’homme a inspiré de nombreux auteur comme Michel Quoist et cette histoire que vous connaissez sans doute très bien et que je vous propose pour conclure.

Il s’agit d’un vieil homme, un homme très pieux il priait tous les matins. Avec ferveur il priait un jour en disant : « Seigneur, je viens te rendre visite chez toi, sans que j’aie manqué un seul jour, matin et soir, je viens prier et allumer une bougie pour toi ». Attentif à cette prière quotidienne, Dieu lui répondit enfin : « Demain, je viendrai ! » Quelle joie pour cet homme qui dès l’aube se met à laver à grande eau toute sa maison, et prévoit de quoi se rassasier. Tout est prêt pour recevoir Dieu. L’homme se tient debout pour l’accueillir.

                La fin de la matinée approche. Un petit garçon qui passe par là aperçoit par la fenêtre ouverte, les plateaux de gâteaux. Il s’approche : « Grand-Père, tu as beaucoup de gâteaux là dedans, tu peux m’en donner un ? » Furieux de l’audace du gamin, le vieil homme réplique : « veux-tu filer. Comment oses-tu demander ce qui est préparé pour Dieu ? » Et le petit garçon effrayé s’enfuit.

                Midi sonne, le vieil homme fatigué s’assoit sur un banc. Un mendiant arrive et lui demande l’aumône. Il le chasse fermement et s’assure que le mendiant n’a pas salit les abords de sa maison. Quatre heure de l’après midi passe, et Dieu n’est toujours pas au rendez-vous.

Le soir vient, et l’homme tout triste attend encore la visite promise. Un pèlerin se présente et lui dit : « Permets-moi de me reposer sur le banc et d’y dormir cette nuit ». « Jamais de la vie ! C’est le siège réservé à Dieu ! » lui répondit-il.

                La nuit est tombée. Dieu n’a pas tenu ses promesses pense le vieil homme. Le lendemain, revenu à l’église pour la prière du matin, il fond en larmes : « Seigneur, tu n’es pas venu chez moi comme tu me l’avais promis ! pourquoi ? Une voix lui dit alors : « Je suis venu trois fois, et trois fois tu m’as chassé… »