Par Franck GACOGNE

Marc 16, 15-20,

40 jours après la résurrection du Christ voici la fête de l’Ascension du Seigneur : Nous avons là le récit charnière qui fait le passage entre l’œuvre accomplie par Jésus, et les communautés chrétiennes qui animées par la force de l’Esprit vont maintenant vivre du Ressuscité. L’Ascension, c’est le jour où Jésus se sépare physiquement et corporellement d’une façon définitive de ses disciples. Voilà qui peut nous interroger sur le mode de présence du Seigneur Jésus depuis l’Ascension il y a 2000 ans jusqu’à aujourd’hui : de quelle façon est-il avec nous ?

Qui d’entre-nous au sein d’un groupe ou même au sein de sa propre famille ne s’est pas un jour ou l’autre senti un peu mal à l’aise devant l’affirmation brut lancée par quelqu’un : « Jésus est là avec nous ! ». Il n’est pas rare de croiser alors quelques regards amusés, souvent sceptiques, parfois moqueur. Bien sûr parce qu’on ne peut pas aujourd’hui faire comme si Dieu était évident pour ceux que nous croisons, à moins d’habiter dans une bulle…

La première expérience que nous faisons tous au quotidien c’est bien celle de l’absence de Jésus : oui, effectivement il n’est pas là, il n’est ni palpable ; ni saisissable, et quand je me tourne vers lui dans la prière, je fais l’épreuve de son silence. Pourtant, évitons les raccourcis réducteurs : ce n’est pas parce qu’une personne reste silencieuse qu’elle est indifférente, ce n’est pas parce qu’une personne est absente qu’elle n’existe pas ! Etre absent, au sens fort du terme, c’est « être à distance, être ailleurs ». Dire que Dieu est absent n’est pas nier son existence, c’est signifier qu’il m’échappe toujours, qu’il est insaisissable, inconnaissable, Tout Autre. Je ne peux pas le saisir, par contre, si je le cherche au cœur de ma vie c’est lui qui peut me saisir. Dieu se veut absent pour être celui que l’on choisit, non par peur ou par intérêt, mais par l’appel du désir que l’on porte au plus profond de soi. Je crois que l’absence de Dieu est la condition de notre liberté, celle que Jésus désire pour tous ses disciples, mais cette absence est aussi pour nous une responsabilité.

C’est une responsabilité, car je crois que Jésus nous dit que sa présence aujourd’hui dépend en partie de nous. Nous l’avons entendu dans l’évangile, Jésus envoie ses apôtres, il leur donne une mission en leur disant « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création ». Et voici les tout derniers versets de l’évangile : « ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient. ». La responsabilité que Jésus donne aux disciples c’est donc celle de pouvoir le rendre présent par l’annonce de l’Evangile. Ces disciples réalisent la présence de Jésus dans la mise en œuvre de la mission qui les envoie par la parole, le partage, le geste, l’action, ou la prière : « le Seigneur travaillait avec eux » nous dit l’évangile. C’est la mission de l’Eglise, celle que chacun d’entre nous a reçu le jour de son baptême, c’est à travers et grâce à elle que Jésus se rend présent. Mais Jésus ne restreint pas sa présence à son Eglise ou à ceux qui ont la foi, elle est beaucoup plus large : au chapitre 25 de St Matthieu, Jésus nous dit qu’il est le plus pauvre, le plus petit, le plus fragile, le plus affaiblis que nous rencontrons… Il se rappelle alors à notre mission.

Aujourd’hui, seuls les yeux de la foi nous permettront de reconnaître le Seigneur, non pas en contemplant le ciel, mais en cheminant sur la route des hommes. Amen.