Par Franck GACOGNE

Marc 15, 1-39,

Vous l’avez remarqué, Jésus est acclamé comme un roi à son entrée à Jérusalem et en criant « Hosanna », la foule espère qu’il sera le Sauveur. Les rameaux qu’ils brandissent représentent leur espérance en Jésus qui vient chez eux pour qu’il les sauve, les préserve du mal, pour qu’il les protège. Alors avant de savoir si la foule a été protégée, j’ai une question à vous poser : Jésus a-t-il été préservé de la souffrance et de la mort ? Non ! Alors prenons bien conscience de ceci : si le Christ lui-même n’a pas été protégé par les rameaux qui l’acclamaient, comment ceux que nous tenons en main le pourraient-ils ? Il faut donc aller chercher du sens ailleurs…

Les passants disent à Jésus : « Sauve-toi toi-même, descends de la croix ! ». Le fait-il ? Non ! Le peut-il ? Non plus ! Si Jésus lui-même a subi le mal, s’il a traversé la souffrance et la mort, c’est pour nous faire comprendre qu’il n’est pas en mesure de nous en faire réchapper. On se trompe souvent sur ce que Dieu est capable de faire. La toute puissance de Dieu, c’est de s’être dépouillé radicalement et totalement de toutes les marques de pouvoir et de puissance qu’on lui attribue si facilement (Ph 2), de toute superstition, de toute illusion magique d’un Dieu interventionniste dans nos vies. La vérité, c’est que Dieu est tout puissant quand il est à hauteur d’homme, jusqu’au plus profond de son anéantissement, jusqu’à la mort de la croix. Quand nous crions « pourquoi ! » devant tant de situations qui nous accablent, attendons-nous l’intervention d’un Dieu magicien qui répondra à notre souffrance, au risque de renoncer à croire en lui, fautes de signes efficaces ? Ou bien prenons-nous conscience, d’une façon fulgurante, que le signe de la puissance de Dieu, c’est précisément de ne pas être en surplomb de nos vies misérables, mais c’est d’être miséreux avec nous quand il crie « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Si Jésus lui-même n’obtient pas de réponse, c’est parce que le Père vers qui il crie n’est pas en face de lui, ni au-dessus de lui, sourd ou indifférent. Non, c’est parce qu’il est avec Jésus, en Jésus, et qu’il crie lui aussi son doute devant ce mystère insondable de la mort. Pourquoi cesserions-nous, au moment même ou Jésus meurt, de l’entendre nous dire « qui me voit, voit le Père » ?

La plus grande révélation de la puissance de Dieu, c’est la croix, parce qu’elle est le signe d’un amour surpuissant, sans limite qui va avec nous jusqu’au bout de la faiblesse et de l’abandon dans nos propres souffrances, sans se défiler. C’est la croix qui nous révèle à quel point Dieu nous aime car dans ce moment ultime, il ne nous lâche pas la main. Comprenons bien que le Seigneur n’est pas acteur, n’est pas auteur de la mort, il la subit sur la croix ! Jésus n’est pas venu pour que les hommes ne connaissent plus la mort, mais il est venu pour que, si la mort survient, comme pour lui, il puisse nous donner la vie, sa vie au-delà de la mort ! Jésus ne nous sauve pas de la mort car cet « instant » survient bien pour nous tous comme pour lui, mais il nous sauve de la mort « prolongée », de la mort « éternelle », car pour Jésus comme pour nous, elle est un passage furtif vers le Père. Si Jésus n’était pas mort comme nous, puis ressuscité, pourrions-nous vraiment croire et espérer que sa résurrection nous concerne et nous soit accessible ?

Vous l’avez compris, les rameaux que nous tenons dans les mains ne sont pas des grigris, mais ils sont bénis ! Cela veut dire qu’ils sont le signe que la souffrance et la mort ne seront pas évités mais vaincus par le Christ, avec le Christ à nos côtés aujourd’hui et demain. Amen.