Par Franck GACOGNE

Marc 1,12-15,

Vous avez sans doute remarqué que dans la foi chrétienne on parle sans cesse du salut. On dit de Dieu qu’il est venu par son fils pour nous sauver. On dit de Dieu qu’il est Sauveur de toute l’humanité : on a pas peur des mots ! Cette deuxième lecture parle du baptême qui nous sauve. Voilà le type même d’expression codée qu’il est nécessaire de déchiffrer. C’est ce que je vous propose, parce que le mystère du salut en est vraiment un ! Tous ceux qui découvrent ou redécouvrent la foi chrétienne, petits et grands sont forcément arrêté et interloqué par cette idée que Dieu nous sauve. Alors Posons-nous les vraies questions : Sauvé de quoi ? Qui est sauvé ? Qui sauve ? Sauvé pour aboutir à quoi ?

Sauvé de quoi ? Evidemment c’est la première question que l’on se pose. Car on ne ressent le besoin d’être sauvé de quelque chose ou de quelqu’un qu’à condition de se sentir en danger, en perdition. Or l’immense majorité des gens que nous rencontrons au quotidien vivent tout à fait paisiblement leur vie, sans se sentir le moins du monde perdu, et c’est vrai pour nous aussi ! Prenons un exemple : je crois que beaucoup de gens comme nous-mêmes sommes dans la situation de Zachée pour qui tout va bien : il ne demande absolument rien à Jésus, Zachée n’a pas besoin de lui, il est simplement curieux de le voir passer. Et en fait il ne prend conscience qu’il était perdu qu’après que Jésus se soit invité à sa table, c’est à dire après que Jésus l’ait sauvé. Le salut : c’est laisser Dieu s’inviter chez moi. La conversion de Zachée est la conséquence de cette visite et non pas sa condition. Voilà qui change totalement la perspective : il ne s’agit pas de se convertir, afin de mériter le salut, non, c’est exactement l’inverse : comme Zachée lorsque nous prenons conscience que Dieu commence par sauver, c’est à dire qu’il nous attire à lui dans son amour, alors cette mise en lumière induira très probablement du changement dans nos vies : dans un deuxième temps, nous nous convertirons. C’est l’évangile de ce jour : parce que « le Règne de Dieu est tout proche, [alors] convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ». Alors sauvé de quoi ? « Du péché » serait la réponse du catéchisme, mais l’on n’est guère plus avancé. Et bien je dirais que nous avons besoin d’être sauvé de notre prétention à être un tout autosuffisant. Et ceci afin que chacun puisse créer au plus profond de lui-même un espace vide un creux, une place pour Dieu, afin d’accueillir sa visite, afin d’être des hommes et des femmes de besoin et de désir de Dieu qui s’approchent et se laisse approcher.

Qui est sauvé ? La phrase clé qui doit nous guider pour répondre à cette question « qui est sauvé ? » se trouve dans la première lettre de Paul à Timothée : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ». Cette phrase ne dit pas que tous le seront, elle dit simplement que c’est le désir et la volonté de Dieu que tous le soit. Autrement dit s’il devait arriver que certains ne soient pas sauvés, cela ne serait pas dû à la volonté de Dieu, mais donc plutôt à la liberté de l’homme. L’homme a droit de refuser la visite de Dieu dans sa vie. Zachée pouvait répondre à Jésus qu’il ne l’avait pas invité ! Ceci devrait nous aider à balayer de notre imaginaire la représentation d’un Dieu qui viendrait choisir du haut de sa toute puissance ceux qu’il voudrait selon son bon vouloir : c’est nous qui choisissons de répondre ou non !

Qui sauve ? Ce n’est pas l’Eglise, ce n’est pas Marie qui nous sauve. Mais c’est Dieu Père, Fils et Saint Esprit qui sauve. Le salut est la conséquence d’une réponse positive de l’être humain à l’invitation de Dieu. L’Eglise n’est qu’un instrument, certes premier et privilégié, mais une médiation parmi d’autres que Dieu utilise pour atteindre chacun, et pour susciter une libre réponse de leur part. C’est Jésus qui par sa mort et sa résurrection nous révèle l’amour illimité du Père et qui de cette façon là vient nous extirper de nos tombeaux, de nos enfermements pour nous inviter à une vie entièrement réconciliée.

Sauvé pour aboutir à quoi ? Et bien de la même façon que l’homme n’est pas un tout autosuffisant pendant son séjour sur terre, je crois qu’il n’est pas un rien ou tout est néant après sa mort. Si le Christ accompagne notre pèlerinage sur la terre, combien plus nous proposera-t-il à la fin de ce pèlerinage d’entrer dans sa pleine lumière. En bref, dire le salut, c’est dire que notre vie aujourd’hui n’est pas une impasse, mais un chemin, celui-là même que le Christ emprunte pour nous conduire à la vie. Amen.