Par Amos BAMAL

Marc 6, 1-6,16-18,

 Un carême pour renaître.

Nous voici entrés dans le temps du carême. Nous avons 40 jours pour nous préparer à la grande fête de Pâques. Le carême, temps du seul à seul avec Dieu, de pénitence et de conversion pour revenir au Seigneur et lui donner toute sa place dans notre vie. « Revenez à moi de tout votre cœur » (Jl 2,12), nous dit le prophète Joël dans la première lecture de ce jour. Mais pourquoi devons-nous revenir à Dieu ? Parce que quelque chose ne va pas bien en nous et que nous avons besoin de changer, de prendre un tournant. Et cela s’appelle avoir besoin de nous convertir. Avec ses invitations à la conversion, le carême vient de manière providentielle nous réveiller, nous secouer de notre torpeur. Raison pour laquelle l’Eglise nous offre ce temps de grâce pour s’arrêter ; s’arrêter pour évaluer et s’évaluer. Car, nous sommes habitués à courir, entre deux métros, deux trames, d’un service à un autre, au point d’être absorbés et vidés de l’intérieur. Pourtant nos appareils, nos smartphones, nos ordinateurs et nos voitures ont besoin d’une maintenance, d’une mise à jour. Il en est de même pour notre foi. Comme toute relation d’amour et d’amitié, elle a besoin d’entretien. Mais, nous courons le risque de faire de cette opportunité de renouvellement intérieur une pure formalité, si effectivement nous n’avons pas à cœur les exigences de jeûne, de la prière et de la charité pratiqués dans la discrétion, avec un esprit de simplicité et d’humilité.

Le jeûne comporte le choix d’une vie sobre, dans son style, une vie qui ne gaspille pas, une vie qui ne « met pas au rebut ». Mais le jeûne ne doit pas être simplement vécu comme une diète hygiénique servant à rétablir un peu de sobriété dans une existence souvent marquée par l’excès. Le jeûne est surtout une expérience de foi, puisqu’il nous donne l’occasion d’expérimenter que la puissance sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour construire et dynamiser notre vie de sainteté, ne vient pas de ce que nous mangeons et buvons mais de la grâce de Dieu. Et pour faire l’expérience de cette grâce invisible, nous sommes invités à vivre une privation, que nous ressentons dans notre chair comme un manque. Alors, toi qui veux jeûner :

  • Jeûne de paroles blessantes : que tes lèvres ne prononcent que des paroles de bénédiction.
  • Jeûne de critiques et de médisances : bienveillance et miséricorde doivent habiter ton âme.
  • Jeûne de mécontentement : que douceur et patience deviennent tes compagnes de chaque jour.
  • Jeûne de ressentiment : que ton cœur cultive la gratitude.
  • Jeûne de rancune : que le pardon ouvre toutes les portes qui t’ont été fermées.
  • Jeûne d’égoïsme : que la compassion et la charité fleurissent à chacun de tes pas.
  • Jeûne de pessimisme : que l’espérance ne quitte jamais ton esprit.
  • Jeûne de préoccupations et d’inquiétudes inutiles : que règne en toi la confiance en Dieu.
  • Jeûne de paroles futiles : que le silence et l’écoute t’aident à entendre en toi le souffle de l’Esprit.

Jeûner nous aide à entraîner notre cœur à l’essentiel et au partage. Le temps de carême est donc le moment où la charité chrétienne est le plus recommandée. Cette aumône doit se manifester par des gestes de partage avec ceux qui sont dans le besoin. Mais l’aumône ne serait rien si elle se réduisait qu’à une offrande économique. Elle doit exprimer aussi l’ouverture de notre cœur dans la relation aux autres. En ce temps de carême enfin, la prière est une arme qui nous permet de résister à toutes les forces du mal et à raffermir notre foi et notre confiance en Dieu. Pendant ces semaines qui nous préparent à la célébration de Pâques, nous sommes invités à prier avec plus de régularité, avec plus de conviction, avec plus de recueillement.

Mais le critère d’authenticité proposé par l’évangile, selon lequel nous devons vivre ce chemin de conversion, repose sur l’opposition entre l’ostentation et le secret. Nous ne posons pas des actes de conversion pour la galerie, pour démontrer notre capacité à nous convertir ou pour éblouir les gens qui nous entourent. « Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour vous faire remarquer d’eux » (Mt 6,1). Le Christ nous invite à l’intériorisation, non seulement de notre vie de foi, mais également de toute notre vie. Ne pas agir pour plaire aux hommes dans un désir d’ostentation et d’exigence de reconnaissance, mais pour la gloire de Dieu. C’est de cette façon que nous serons récompensé non pas par nous-mêmes, mais par Dieu, lui qui voit tout, même ce qui est réalisé dans le secret. En ce début de carême, les yeux fixés sur Jésus-Christ, il est question pour chacun de nous « d’entrer dans le combat de Dieu ». Combat de Dieu contre le péché et toutes les puissances du mal, pour que la vie de Dieu qui est vie dans l’Esprit puisse s’épanouir pleinement en nous. Finalement notre préoccupation doit être de RENAÎTRE. Renaître, c’est-à-dire raviver la vie divine reçue lors de notre baptême en éloignant l’horizon du péché en nos vies et en laissant à l’Esprit la possibilité de nous convertir, d’éliminer le désir du mal en nous et de faire de nous des témoins.

Amen.