Par Jean-Claude SERVANTON

Matthieu 25,31-46

Je viens de lire ce passage de l’évangile de St Matthieu auquel nous donnons le titre de jugement dernier. Le mot jugement nous fait un peu peur. Nous avons dans la tête ces représentations où l’on voit le Christ en gloire séparant les bons et les méchants. Nous arrivons au terme d’une année liturgique. Et c’est plus sur ce dernier, sur la fin que je voudrais insister.

Je n’aimais pas le moment où le mot « fin » s’écrivait sur l’écran à la fin d’un film. Les lumières de la salle s’éclairaient, les spectateurs reprenaient leurs vêtements chauds, un peu assommés par les images qu’ils venaient de voir. Je n’aimais pas non plus le coup de sifflet final à la fin d’un match de football. J’avais tellement attendu ce moment que j’étais tout triste de le voir finir. Tout a une fin.

Tout a une fin, même une année liturgique. Aujourd’hui nous refermons l’évangile de Matthieu pour ouvrir celui de Marc dimanche prochain. Ainsi les années passent. Nous avons célébré les grands moments de la vie de Jésus: Noël, son baptême, sa Pâque – mort et résurrection, le don de son Esprit et puis voilà. Nous avons célébré des dimanches ordinaires…le temps ordinaire a repris le dessus… en attendant la fin.

La fin n’est pas seulement le moment où le rideau retombe, le moment aussi où on entrevoit autre chose. C’est à la fin du film qu’on peut comprendre le début. Il paraît qu’il faut attendre plus de 10h du soir dans les séries télévisées pour avoir la solution. C’est souvent à la fin que tout s’éclaire. Au terme de cette année liturgique, l’Église nous livre cet évangile de la fin, du jugement dernier. Dans l’évangile de Matthieu ce passage est suivi de la Passion et de la Résurrection. Et c’est sans doute aussi à la lumière de ces évènements que nous pouvons le comprendre.

Jésus, le fils de l’Homme, parle de son retour dans la gloire, il se nomme « Roi », c’est le Christ ressuscité qui parle -ce Christ- ce Roi qui porte les stigmates de la croix. Jésus se situe à la fin des temps et cette fin est le moment où tout s’éclaire. Le rideau ne tombe pas, il se déchire. Cette parabole du jugement dernier est une révélation. La preuve? L’étonnement de ceux et celles de droite et de gauche « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison. » Et oui, il faut attendre la fin pour recevoir cette révélation. La fin révèle un renversement, le Roi celui qui vient, celui qui siège sur son trône dans la gloire, celui qui rassemble toutes les nations… et il reste le Roi et il s’identifie à celui qui a faim, soif, qui est malade, prisonnier, étranger, le Roi est aussi le plus petit, le plus démuni de ses sujets. La fin c’est l’inattendu, inattendu tel que nous ne pouvions pas l’imaginer, inattendu tel que nous ne pouvons que le croire, inattendu tel que nous ne le découvrons qu’en le mettant en pratique. Le Roi ne s’approche, ne se donne à voir que dans l’homme, l’être humain au plus bas, celui qui est au bord, et même hors bord comme l’écrit un théologien, celui que nous dirions aujourd’hui d’un autre monde, quart monde ou tiers-monde, sans oublier prisons et hôpitaux. C’est pourquoi aujourd’hui le titre de Roi est accompagné, joint par un trait d’union à celui de serviteur. C’est la fin qui nous enseigne, qui nous conduit à la reconnaissance de notre Dieu et de chaque personne humaine.