Par Franck GACOGNE

Matthieu 20, 1-16

Travailler plus, pour gagner autant ! Temps de travail, droit du travail… On est en plein dedans ! Attention, je ne vous parle pas des ordonnances ou de la manifestation d’hier, mais de la parabole de ce jour celle que nous venons d’entendre. Elle est très instructive, pour peu qu’on la lise attentivement et qu’on cherche au fond ce que Jésus veut nous dire à travers cette histoire. En tout cas, cette question de salaire ne laisse personne indifférent, tant mieux !

Je crois que cette parabole de Jésus veut nous aider à avoir un regard nouveau sur ce qui est juste ou injuste. Souvent on est scandalisé par cette histoire parce qu’on a l’impression que Jésus déclare juste le fait que tous ceux qui ont travaillés reçoivent le même salaire à la fin de la journée, qu’ils aient travaillé huit heures, ou seulement une heure. Alors qu’en fait Jésus veut d’abord nous dire que ce qui est injuste c’est qu’il puisse y avoir des personnes à qui l’on a rien demandé, qui n’ont pas été invitées à participer au travail de la vigne, parce que pour Jésus, être associé à ce travail est une chance, c’est l’opportunité de pouvoir apporter sa pierre, c’est une reconnaissance, une dignité, mais surtout pas une contrainte ou une corvée. Voilà pourquoi le maître de la vigne retourne à de nombreuses reprises sur la place, il sort pour vérifier que personne n’a été oublié… car heureux sont-ils d’être invités à participer au travail de la vigne, comme nous l’entendrons tout à l’heure pour chacun de nous : heureux d’être invité au repas du Seigneur.

A ceux qui ont été embauchés très tôt, le maitre de la Vigne promet « une pièce d’un denier », aux suivants, il leur promet « ce qui est juste ». Et donc, nous découvrons à la fin de l’histoire que pour Jésus, « ce qui est juste » c’est que les uns comme les autres reçoivent un denier. Attention, « ce qui est juste » ce n’est pas qu’ils aient tous la même chose, car cette quantité-là pourrait être très faible : l’avarice peut se cacher sous des prétextes vertueux d’égalité. En vérité, ce qui est juste pour Jésus, c’est qu’ils aient tous le maximum. Je crois qu’il faut comprendre que cette pièce d’un denier ne peut pas être dépassée. C’est déjà tout ! Si le salaire reçu en fin de journée représente, non pas une rémunération, mais le don que Dieu veut faire de lui-même à tous ceux qui ont répondu à son appel, pourrait-il ne se donner qu’à moitié pour ceux qui sont arrivés plus tard ? Bien sûr que non !

Peut-être aussi que la conclusion de l’histoire nous trouble : « C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. » Pour la comprendre, j’aime bien aller voir un passage à la fin de l’évangile de Luc, c’est quand Jésus est crucifié. Les appelés de la première heure, c’est-à-dire les Apôtres, ont alors tous fuis par crainte d’être eux aussi arrêtés, et Jésus se trouve entourés de deux brigands sur la croix. L’un d’eux est ce dernier qui demande à Jésus : « Souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Royaume ». Mais Jésus ne lui dit pas « attends un petit peu, d’autres ont répondus bien avant toi et ont plus de mérites ». Non, il répond à ce dernier : « Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ». Il est alors le premier bénéficiaire de la vie de Dieu. Pas moins ou pas plus que les autres, mais seulement le premier chronologiquement parlant, parce que le premier à traverser la mort aux côtés de Jésus et avec lui sa résurrection. Il reçoit la vie de Dieu, pas 5, 10 ou 30% de sa vie selon son mérite. Non toute sa vie aujourd’hui et maintenant.

Seigneur, quel qu’en soit le moment tu ne sais qu’accueillir avec joie tous celles et ceux qui répondent à ton invitation inlassablement réitérée à toute heure de notre vie. Seigneur Jésus, je crois que tu ne sais pas compter ! En réalité, ce qui est juste pour toi ce n’est pas de répartir tes dons selon les mérites des uns ou des autres ; mais c’est que tous aient le don, le maximum. Voilà ce qui est juste ! Tu ne sais pas fragmenter. Tout ce que tu as, tu le donnes au premier comme au dernier venu. Car cette pièce d’un denier, c’est le Royaume, c’est tout ! C’est Toi ! Amen.