Par Franck GACOGNE

Matthieu 5, 17-37

Je ne suis pas grand connaisseur des mouvements d’action catholique, mais je sais qu’ils ont façonnés et formés toute une génération de chrétien en les invitant à vivre une démarche de la foi en trois étapes successives : 1. D’abord en invitant à regarder, à observer les situations telles qu’elles sont, 2. Ensuite en essayant de les comprendre, de les analyser, les discerner. 3. Et enfin en en tirant des conséquences, une résolution, une manière d’agir. C’est le fameux « Voir, Juger, Agir ». Eh bien avec les lectures de ce jour, j’ai l’impression que l’on est invité à franchir ces trois étapes successives à travers chacun des textes. Toutes ces lectures traitent de la question de la loi et de l’attitude que l’on peut ou que l’on doit avoir devant elle, face à elle.

Dans la première lecture, il s’agit de regarder, d’observer les comportements. La loi, ou plutôt les commandements sont présentés comme l’objet d’un choix pour l’homme, alors qu’il est tout autant libre de choisir leurs contraires. Ce texte a 2200 ans et pourtant, je ne sais pas à quel point vous vous rendez compte combien cette description est contemporaine du contexte dans lequel nous vivons. Il y a quelques années, passait je crois à la télévision une émission intitulée « c’est mon choix ! » Elle nous présentait toute sorte de farfelus venant défendre un choix de vie individualiste et souvent délirant, mais complètement assumé. 2200 ans avant, Ben Sira le Sage fait le même constat, mais il confirme que si une personne a choisi d’être impie ou de pécher, ce n’est pas le Seigneur qui le lui a demandé ! Avec cette lecture, nous sommes donc là sur le registre du constat, de l’observation.

Avec cette deuxième lecture de Paul aux Corinthiens, nous entrons dans l’analyse, la compréhension, le discernement. Voilà pourquoi cette lecture vient introduire à ce « tout possible, à ce tout réalisable du jeu de la vie » la notion de Sagesse au sens noble du terme. Paul explique qu’il s’agit de la Sagesse de Dieu dont l’homme, adulte dans sa foi, peut bénéficier et mettre en œuvre. Et il dit que cette Sagesse-là est bien différente, et même qu’elle s’oppose à celle de ceux qui dirigent le monde. J’ai bien l’impression que l’actualité politique de notre pays ou du monde ratifie ces propos visionnaires de Paul. La sagesse qui vient de l’Esprit est présenté comme un don caché de Dieu offert à l’homme pour scruter le fond des choses, pour lui donner de discerner ce qui est bien ce qui est juste. Voilà qu’à la liberté est maintenant donné le meilleur moyen de l’exercer.

Fort de cette liberté devant la loi et de la sagesse donnée pour discerner qu’en faire, Jésus dans l’évangile nous invite enfin à passer à l’action. Jésus nous dit combien la loi n’est pas un carcan qui impose une soumission et dont il faudrait se débarrasser, mais bien au contraire que la loi est une opportunité pour nous dépasser, pour nous surpasser. Et il nous donne des exemples. Si dans la loi est posé l’interdit du meurtre, c’est pour qu’en amont, nous dit Jésus, nous sachions éviter toute les occasions de colère qui peuvent y conduire. Et plus que cela, c’est pour prendre les devants et chercher la réconciliation avec un frère. Si dans la loi est posé l’interdit de l’adultère, c’est pour qu’en amont, nous dit Jésus, nous sachions éviter les regards qui désire, qui veulent posséder l’autre. Me surpasser, c’est mettre en œuvre dans ma vie ce que la Sagesse et ma conscience m’indique face aux situations que je rencontre, afin que mon « oui » ou que mon « non » soit déterminé et justifié. Cela me fait penser à un passage étonnant du livre de l’Apocalypse où Dieu nous dit qu’il attend de nous que nous soyons déterminés : froid ou brûlant, mais surtout pas tiède, car cela le fait vomir ! (Ap 3, 15-16)

« Voir, juger, agir ». Ou bien « regarder, discerner, transformer ». Aujourd’hui la pastorale de la santé nous invite à vivre cette démarche lors de cette journée mondiale des malades. Je connais une personne malade ou hospitalisée dans mon entourage. Donne-moi Seigneur de prendre conscience de son attente, de son espérance. Donne-moi ensuite de discerner l’attitude, le geste, la parole qui conviendrait pour la soutenir. Donne-moi enfin de surpasser ma crainte pour la visiter pour l’appeler, pour me faire proche d’elle comme un frère, comme un ami. Amen.